Ceux qu’on ne veut pas voir


Posté par Thomas Debesse le 02/04/2014 à 09:36. cc Licence CC by-sa (copiez-moi !)

France en faillite

Le collectif «  Jour de Colère » a annoncé une série de manifestations régionales en France entre le 5 et le 6 avril 2014. Le 26 janvier j’étais allé photographier le « Jour de Colère » national à Paris. De cette journée, on a déjà tout entendu semble-t-il, on a déjà tout vu, sauf ceux que l’on ne veut pas voir.

Il était attendu que cette manifestation rassemble tous ceux qui sont déçus de la politique du gouvernement, quelque soit la raison. La chose la plus étonnante de ce jour de colère, c’est qu’avec un président qui voit sa côte d’impopularité franchir la barre des 80%, il y ai suffisamment peu de monde dans la rue pour que l’on remarque les deux ou trois excités abonnés aux scandales.

Abstentionnisme

Ainsi la France s’est indignée, unanime, de voir que dans ce pays de France certains tiennent des propos scandaleux. Mais cette France indignée oublie vite que si ces 80% de français déçus étaient descendus dans la rue crier « Hollande démission », personne n’aurait entendu les deux ou trois excités.

Ceux qui se taisent laissent la parole à d’autre, dit-on. C’est étonnant. D’un coté le gouvernement actuel bat des records d’impopularité et s’il y a bien une chose qui rejoint chacun, c’est la déception. D’un autre coté, ces mêmes déçus se désolent que le Jour de Colère n’ai exprimé ni leur déception ni leur revendication.

Une des banderoles questionnait : « Peut-on à la fois se serrer la ceinture et baisser son froc » ?

Après coup, on peut se demander si cette banderole n’était pas destinée aux déçus de la politique du gouvernement qui refont le monde confortablement installés dans leur salon, ces drôles d’acrobates.

Ceux qu’on ne veut pas voir

Il y a ceux qu’on laisse monopoliser l’attention, et il y a ceux qu’on ne veut pas voir.

Ce Jour de Colère devait être l’occasion pour beaucoup d’exprimer leur désaccord envers la politique actuelle, et ce fut le cas. « France en faillite » pouvait-on lire sur le casque d’un manifestant. Mais justement, quelles étaient ces revendications que l’on vous a tu, qui étaient ces manifestants que l’on ne vous a pas montré ?

La savoie contre l’équitaxe

Vous a-t-on montré ces savoyards qui manifestaient contre l’équitaxe ? Ce terme « équitaxe » désigne l’augmentation de l’actuel taux de TVA à 7 % vers un taux à 20 % pour les activités équestres. La lutte contre l’équitaxe ne concerne pas que la Savoie mais tous les centres équestres de France. Cette augmentation significative met en danger l’équitation en France en la réservant à une élite. Cela menace directement plusieurs milliers de centres équestres et donc plusieurs milliers d’emploi. L’actualité égrenant les manifestations et actions coup de poing, il était évident de voir des opposants à l’équitaxe marcher au Jour de Colère, et parmi eux des savoyards.

Ces joyeux manifestants, tout sourire, qui faisaient sonner leurs grosses cloches savoyardes, on ne vous les a pas montré. Leurs slogans n’étaient peut-être pas assez haineux pour le JT.

Ces manifestants ont fait 600 kilomètres pour marcher sous la grisaille parisienne et défendre leur emploi malgré la pluie, mais ont été traînés dans la boue par les médias autorisés. Le lendemain, ils ont appris qu’ils étaient des nazis.

Mes idées sont aussi courtes que mes cheveux

« Cheveux courts, idées courtes » n’est-ce pas ? Je ne connais pas leurs revendications, mais ces manifestants n’avaient probablement pas le crâne assez rasé pour passer au JT !

Pompier en colère

Les pompiers en colère enchaînent les manifestations un peu partout en France, plusieurs fois par mois. Les causes de ces manifestations sont multiples : changement de catégorie des services d’incendie et de secours entraînant une réduction salariale, heures non payées, réduction des primes indemnisant le surplux d’heures travaillées et baisse du plafond de ces mêmes heures, la diminution des postes et la perte de jours de congés, le gel du point d’indice des fonctionnaires, etc.

Pour quelle raison ce pompier était-il en colère ? Vous a-t-on montré ce pompier ? Alors certes il fut filmé, mais il n’a pas du être retenu pour le journal télévisé parce qu’un pompier ça sauve des vies au lieu de réveiller les heures les plus sombres de notre histoire.

C’est sûr, les pompiers n’ont pas fini d’être en colère

L’Europe m’a tuer

En fait, la plupart de ces manifestations de pompiers en colère ont pour cause l’application d’un décret européen. Mais les pompiers ne sont pas les seuls à subir l’Europe. « L’Europe m’a tuer » ironisait cyniquement une banderole. Avez vous vu cette banderolle, vous l’a-t-on montrée ? Les bras n’étaient peut-être pas assez tendus vers le haut pour le JT !

Non à l'Éolien

Il serait très difficile d’attribuer des intentions nauséabondes à ces manifestants contre l’éolien, c’est pourquoi on ne vous les a pas montré. Non, vraiment, même en cherchant bien, on n’a pas trouvé dans la littérature d’Hitler une quelconque opposition à l’éolien qui aurait permis de faire un précieux amalgame. Ces manifestants ne sont donc d’aucun intérêt.

Nous ne sommes pas des cobayes

« Élèves, lycéens, étudiants, nous ne sommes pas des cobayes ». À l’heure du Jour de Colère, ceux qui dénonçaient la réforme des rythmes scolaires ou les expérimentations socialistes en classe n’étaient pas encore accusés de théorie du complot, donc on ne vous les a pas montré.

Dans la manifestation on en trouvait d’autres pour défendre l’école à la maison, suite à de récentes propositions portées par l’UMP qui voulaient limiter cette possibilité qu’aux seuls cas exceptionnels. Mais pour ne pas révéler la collusion droite-gauche quand l’UMP sert la soupe au Parti Socialiste, on ne vous les a pas montrés non-plus.

Touraine, La sécu ne passera pas

Nous voici de retour en Savoie avec les bonnets rouges transfrontaliers (rouges comme la Savoie) qui ne sont pas à leur première manifestation. Ces savoyards en colère ont affrété un bus spécialement pour le Jour de Colère et sont présents pour une raison bien particulière : la fin prochaine du droit d’option pour les travailleurs français résidant en France mais travaillant en Suisse. Ces transfrontaliers devront choisir entre la sécurité sociale française ou l’assurance maladie suisse et ne pourront donc plus souscrire à une assurance maladie privée en France.

Si la frontière en question était le Rhin, on vous en aurait peut-être parlé ! Mais non, la question transfrontalière ne peut flatter la politique répressive du ministre de l’intérieur, on ne vous en parlera donc pas.

Cour des miracles

On verra tout, même les poussettes, même les cloches, même les fleurs-de-lys, même les quenelles et les quenelles inversées (je vous attend au tournant).

Foule

On ne vous a pas montré la foule rassemblée sous la pluie dans un même mouvement et une même intention : affirmer sa désapprobation du gouvernement. On ne vous a pas montré la foule qui faisait l’unité dans un même slogan : « Hollande Démission ».

Vendée Corse, Bretagne et Lorraine Languedoc en colère

Les manifestants étaient venus de toute la France, et vous n’aurez ni la Vendée, ni le Languedoc, ni la Corse, ni la Bretagne, ni la Lorraine !

Alliance Royale Stop à la monarchie et aux privilèges

Le « Jour de Colère », c’est ce jour bizarre où l’on a pu voir marcher ensemble ceux qui dénoncent les privilèges des nouveaux nobles d’un système monarchique absolu aux apparence de démocratie, à coté de l’Alliance Royale, des étendards au nom d’un Dieu Premier Servi et Espoir et Salut de la France, devises que l’on n’entend plus depuis qu’elles ont été sanctionnées par la guillotine, le viol, la déportation et les massacres de masses par décret légal et toujours non abrogé.

Le Jour de Colère, c’est le jour surréaliste où l’on a pu entendre chanter la Marseillaise dans un cortège ou marchait sur un même chemin « le sang impur » que ce chant appelle à répandre.

CGT Cœur Sacré

Le Jour de Colère, c’est ce jour imprévu où l’on a pu voir ensemble le drapeau de la CGT avec celui du Cœur Sacré, qui ne semblent partager que le rouge.

Oui à l’école à la maison État trans-parents

Certains défendaient la liberté et le droit de l’école à la maison, d’autres s’opposaient à la GPA et à la PMA, et d’une manière générale, de nombreux défenseurs de la parentalité dénonçant l’ingérence de l’état dans la société familiale.

Poussette en colère La Manif Pour Tous

Famille en danger Pères et mères en colère

Les manifestants de La Manif Pour Tous ont répondu à l’appel comme attendu, en famille et avec poussettes, comme on a l’habitude de les voir depuis plus d’un an déjà, installés dans le paysage contestataire.

Hommen


Cette vidéo peut être également visionnée sur Dailymotion, ou bien téléchargée dans son format original.

Les Hommens sont abonnés aux manifestations, ici ils se mettaient en scène enchaîné derrière le scooter de François Hollande criant des slogans comme « Le peuple demande la démission d’Hollande » ou encore « Dictature Socialiste ».

Ananas Hollande est un âne

Certains mettent à Hollande un bonnet d’âne, d’autres promènent l’ananas popularisé par Dieudonné comme une tête au bout d’une pique. Au son de la Marseillaise, l’image est inquiétante pour le monarque incapable.

Quenelle aux CRS Quenelle

Quenelle préservée

Sortez couverts ? Les fans de quenelles étaient très visibles. Si l’on voit facilement des quenelles en signe d’insoumission même là où Dieudonné ne s’y attend pas, cette fois-ci, il avait explicitement appelé à participer au Jour de Colère et l’appel a été entendu.

Notez bien les peu élégants gants de palpation transrectale. Certes, ce n’est pas de la grande finesse, mais ces adeptes de la quenelle on trouvé là un moyen efficace de ne laisser aucun doute quant à l’interprétation de leur geste. Ici, c’est bien le sens d’une « fouille » profonde qu’il faut retenir.

Une quenelle inversée

Aux abords du cortège, quelques personnes exprimaient leur mépris ou leur haine envers les manifestants. Ici, une quenelle inversée, histoire de surenchérir dans le vulgaire.

La France part en couille Le nain con pétant

Pour rester en dessous de la ceinture, les affres du président étaient prétexte à beaucoup de pancartes et autres slogans. « Hollande, comme tu as trompé Valérie tu nous a trompé », « La France part en couille pendant qu’Hollande promène les siennes », « Hollande, dehors, va t’occuper de tes copines » proclament les pancartes explicites.

FJN & GNR Croix celtique

Autre public, minoritaire dans le cortège mais présent, les mouvements nationalistes-révolutionnaires comme le Front de la Jeunesse Nationaliste. À remarquer sur les poitrines, les autocollants GNR, du nom des Groupes Nationalistes Révolutionnaires dont s’inspiraient les JNR (Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires) fraîchement dissoutes suite à l’affaire Clément Méric.

C’est très important de noter cela, car cela montre à quel point les actions du gouvernement ne sont que des mesures de façades. Une dissolution c’est une mesure qui veut exprimer un rapport de force mais qui n’est qu’une parole. Ce n’est qu’une formalité, cela ne change rien, tellement rien qu’elle peut être substituée par une autodissolution afin justement d’inverser le rapport de force médiatique. C’est de la communication, de la pure communication, seulement de la communication.

À noter également, le public de ces groupes nationalistes révolutionnaires et les adeptes de la quenelle sont vraiment deux groupes distincts que l’on peut très difficilement amalgamer.

Anonyme Anonymes

Autre symbole antisystème : le masque de Guy Fawkes popularisé par le film V pour Vendetta et réapproprié par le phénomène Anonymous.

État Nazi, médias collabos

« État nazi, média collabos », « journalistes collabos », c’était une des revendications unanimes de la manifestation avec « Hollande démission ». Le peuple français en colère ne supporte plus la presse subventionnée.

Les libérés de la sécu

On en revient aux affaires de Sécurité Sociale. Après les transfrontaliers présentés plus hauts, voilà des personnes qui manifestent contre le monopole de la sécurité sociale. Cette revendication est justement la pierre d’achoppement d’un pseudo-journalisme méprisant, car à ce sujet on a pu voir dans le Petit Journal Yann Barthes caricaturer leur revendication en « On veut plus être remboursé », pitoyable.

Après les mêmes médias s’étonnent de ne pas être appréciés. À ce niveau là il ne s’agit même pas de leur reprocher d’être partisan, mais de travestir la réalité.

Tambour Trompe

Manifestation animée avec trompes, et tambours, il ne manquerait plus qu’un Carnyx ! On y vit également quelques cornemuses qui se font désormais habituelles en manifestation.

Les enfants des terreaux

Venus de Lyon, les Enfants de Terreaux était une des plus grosses représentations du Jour de Colère !

Démocratie aléatoire

On les voyait déjà lors des manifs pour tous, notamment le 26 mai, ceux-là défendent l’idée d’une démocratie par tirage au sort. Il faudra m’expliquer comment les médias font le raccourci entre une démocratie par le tirage au sort et une dictature comme le nazisme, puisque c’est ainsi qu’a été dépeint l’ensemble du Jour de Colère.

Unis contre le capitalisme Contre les épandages chimiques

Hollande ou le CRIF ? La vériter

Parmi les revendications on trouve pèle-mèle l’opposition au capitalisme, une dénonciation des épandages chimiques, une remise en question de l’indépendance du gouvernement vis à vis du CRIF et inévitablement une dénonciation du traitement réservé à Dieudonné.

Les pancartes ne sont pas toujours d’une orthographe ou d’une grammaire exemplaire, mais ça amène des situation amusantes comme ici : si la Vériter est un Verbe, alors vous avez tout compris

Manifestation contre les femen Cible d'état

Inévitablement, beaucoup profitent de la manifestation pour coller leur revendications toutes aussi bariolées et inattendues que le Jour de Colère.

Le maréchal Galliéni en colère Maréchal Fayolle en colère

Petite pause sourire, les maréchaux Galliéni et Fayolle en colère. En fait, les foulards rouges avaient été installés une semaine plus tôt lors de la Marche pour la Vie qui s’était également terminée Place Vauban. Nouveauté du Jour de Colère, le maréchal Galliéni se voit désormais brandir un ananas, un de ces symboles popularisés par Dieudonné.

J’ai trouvé ironique de voir cet ananas dans les mains de figures de la première guerre mondiale alors que beaucoup tiennent à désigner l’ananas de Dieudonné comme un symbole antisémite et un signe de reconnaissance nazi. En effet, si ces maréchaux ici sont hors de cause, on ne peut nier le rôle de la France dans l’humiliation que subit l’Allemagne lors du Traité de Versailles, traité qui a installé en Allemagne une situation propice à la montée du Nazisme.

Manifestant pour ma vie

Évidemment, on a retrouvé quelques manifestants du dimanche précédent, opposés à l’avortement.

Hommen

Béatrice Bourges Qui ?

La manifestation se termine dans le calme, avec quelques animations des Hommen dans la foule, des sketchs parodiques sur les écrans moquant François Hollande mais aussi Manuel Valls et Christiane Taubira, et de multiples interventions comme celle de Béatrice Bourges.

Assumer, cela ne veut pas dire être d’accord, mais assumer. Ce qui manque a notre pays, c’est une institution responsable

Grabuge

Au moment où la dispersion est annoncée, profitant que la manifestation soit terminée mais que la scène soit encore allumée, un petit groupe d’une dizaine de personnes tentent de détourner l’opération en essayant de brandir sur scène un drapeau de l’Œuvre Française et de faire des saluts nazis devant les caméra. L’opération a échoué car ils ont été aussitôt maîtrisés par la sécurité de l’organisation, et je suis peut-être le seul à pouvoir en publier des images.

Sécurité Sécurité

Ce genre d’opération n’est pas nouvelle. Déjà, à la suite de l’occupation des Champs Élysées du 24 mars, BFM TV et Alexandre Gabriac s’étaient donnés rendez-vous en dehors de la manifestation pour une double opération à succès : Alexandre Gabriac récupérait le fait divers à son compte et BFM assimilait les manifestants à des « extrémistes ».

Chose surprenante, l’itinéraire était étonnamment long :

Comparatif itinéraires Jour de Colère et Marche pour la Vie

L’itinéraire faisait un petit peu plus de 6 km, qu’on peut comparer au 2,8 km d’une autre manifestation populaire (la Marche pour la Vie) qui avait eu lieu une semaine plus tôt et qui avait en commun une partie de l’itinéraire.

La manifestation s’est donc terminée très tard, la nuit tombante, sous la pluie. Très vite, la place a été fermée empêchant les manifestants de se disperser facilement. La police commençait à chauffer la soirée mais à cause de la pluie et du manque de visibilité, je me savais incapable de recueillir aucune image probante de ce que j’aurai pu être témoin… Je n’ai donc pas cherché à prendre un quelconque risque pour un résultat nul.

J’ai réussi à m’extraire de la nasse qui se formait, ne demandant pas mon reste. Bien m’en a pris puisqu’on y vit plusieurs journalistes (certains avec carte de presse) embarqués sans discernement, et je reçus ensuite plusieurs témoignages directs de garde à vue injustifiée.

Suite à cela on vit plusieurs condamnations étonnantes, dont une fille qui avait jeté sa canette vide, autant dire que si elle avait jeté une boulette du papier d’alu emballant son sandwich, cela aurait été tout aussi ridicule… pour la justice et les forces de l’ordre.

Cette manifestation a pu témoigner de la répression grandissante soumise à une rhétorique médiatique. En effet, les interpellations et gardes à vues sont devenus des arguments politiques. Peu importe les condamnations ou les faits. L’acte policier est un message, Manuel Valls l’a bien compris.

Les mouvements sociaux du 24 mars à Paris avaient vu un record d’interpellations avant le 20h. De ces interpellations on s’est étonné ensuite du peu de fondement, mais le chiffre était annoncé, le message était passé.

Mais ces méthodes s’usent à force de s’en servir et contraignent à la surenchère.

Les interpellations ne suffisent plus parce que le peuple a compris qu’on pouvait être interpellé sans motif, alors désormais la police procède à de spectaculaires gardes à vues, car dans l’inconscient collectif la garde à vue est encore la conséquence d’un acte répréhensible.

Ainsi, suite au Jour de Colère, la police a annoncé un record de mise en garde à vue un peu avant le 20h.

Lorsque les masses découvrent que ces gardes à vues ne sont qu’un instrument médiatique afin de pouvoir annoncer des chiffres, la surenchère doit être portée plus loin, dans les condamnations par exemple. On commence à en voir les premiers signes.

Sur son blog Fikmonskov s’est interrogé un peu avant le Jour de Colère : « Demande-t-on la permission pour être en colère ? ». Vraie question. Les prédictions ont été vérifiées…

Presse et média

La réaction immédiate fut le discrédit. Beaucoup en ont profité pour pouvoir (enfin) condamner avec ferveur et participer à la grand messe d’indignation dont ils pouvaient se sentir exclus sur d’autres sujets (Manifs pour Tous par exemple)

Mention spéciale à Causeur qui a réussi à enchaîner les titres La peste et les coléreux, La confusion des ressentiments, Jour de colère, bêtise grégaire, Jour de misère et peut-être d’autres articles encore avec un tel acharnement que, s’il on y trouvait beaucoup de remarques pertinentes, donnaient l’impression de vouloir se racheter une légitimité en condamnant de concert, trop heureux cette fois-ci de pouvoir enfin, pour une fois, être du côté de la bien-pensance.

Ceux qui craignaient d’être amalgamé réacs pouvaient enfin se laver, tout heureux de pouvoir revendiquer « je ne suis pas un réac, la preuve, je condamne les réacs, moi aussi » ! Ouf, l’honneur est sauf. Merci les marionnettes, prions qu’il y ai toujours de plus scandaleux que soi pour se donner l’image de saints.

À l’opposé, sur i-Télé, Jean-François Kahn s’étonnait que les grands titres aient si peu parlé du Jour de Colère, car, quelque soit le crédit que l’on porte à cet événement, il était historique sur de nombreux points, notamment par la réunion de mouvement si différents et qui ordinairement s’ignorent, voire se fuient, mutuellement.

Dans l’interview précédemment citée, Jean François Kahn relevait que la population s’en prenait aux médias en général, et s’en étonnait. Il citait cette généralisation : « vous les médias », comme un jugement général porté sur la presse et les médias. La problématique est intéressante. Il n’y a plus vraiment de jugement adressé à un ou un autre média en particulier. À la presse de droite ou à la presse de gauche se substitue un universel « média collabo ». Le peuple se méfie des médias en général, et c’était une méfiance partagée au Jour de Colère.

Ariel Wizman sur Canal+ faisait un parallèle entre 1934 et 2014, mais malheureusement, au lieu de soumettre la pertinence de ce parallèle à un jugement critique et de travailler cette intéressante problématique, il s’est limité à se moquer des manifestants. Et en même temps qu’il se moquait d’eux, venu pour se moquer, s’étonnait d’être mal reçu. Ainsi, il devient un comédien de spectacle, et non plus un journaliste. Ce spectacle de comédie est une comédie au dépend des autres. La déception est donc double : d’une part l’insulte, d’autre part la démission de sa charge de journaliste.

Il en est devenu encore plus ridicule quand il a réduit un slogan « franc-maçons en prison » à un « complotisme ». Il faudra rappeler à Ariel Wizman que la simple évocation de l’existence de la franc-maçonnerie ne relève pas de la théorie de complot : les franc-maçons sont moins secrets qu’ils ont pu l’être, ils tiennent des blogs, organisent des biennales etc. Ce qu’on attribue à la franc-maçonnerie peut relever de la théorie du complot, pas la simple évocation. Ariel Wizman s’inscrit là dans une tradition de dénigrement désuète, d’une époque où la simple évocation de la franc-maçonnerie permettait d’attribuer moulte fantasmes à son interlocuteur. Mais ce schéma est d’un autre siècle, les francs-maçons reçoivent officiellement des ministres, perçoivent des subventions de la part de l’état… On ne peut plus discréditer son opposant sur la simple évocation de ce sujet. Là encore, Ariel Wizman démontre son échec à traiter d’un sujet et à apprécier la réalité du terrain.

Diviser pour ne pas régner

On dit souvent que pour régner il faut diviser. Cela est vrai pour un tyran qui assoit sa légitimité par la force : il faut affaiblir tout autre pour assurer son autorité. Cela n’est pas vrai pour une système politique qui se réclame du peuple et qui reçoit sa légitimité du peuple. Le véritable règne n’est pas d’assurer son autorité au dépend d’un autre, mais d’employer son autorité à développer l’autre.

La conclusion bien-pensante du Jour de Colère fut de condamner et de rejeter, de justifier son déni par le scandale. Mais une question se pose. Le propre de la marginalité, c’est d’être marginal, mais quand des dizaines de milliers de marginaux manifestent, est-ce une marginalité ?

La France est-elle malade ? Pour ceux qui se scandalisent du Jour de Colère et de ses apparences, il faudra leur rappeler qu’on ne guérit aucun mal en excluant le malade. Si la réalité est scandaleuse, alors il faut la regarder en face, et surtout ne pas s’arrêter aux symptômes et rechercher les causes.

Ce pays ne pourra se relever tant que personne n’osera assumer la cour des miracles. Un père aime tous ses enfants, même ceux qui le haïssent. Notre système politique ne connaît pas ce principe : le président est président de tous les Français, sauf ceux dont on s’indigne.

Ce mécanisme se révèle dès lors que le peuple est consulté mais qu’il n’exprime pas la volonté attendue, par exemple lors de référendum : le gouvernement se justifie alors d’aller à l’encontre du peuple, car le peuple n’est plus reconnu comme tel. Président de tous les Français dit-on, sauf de ceux qui ne plaisent pas. Le totalitarisme est alors plus facile car il a l’apparence de la démocratie, le peuple étant simplement à géométrie variable selon ce qui arrange.

Prochaines manifestations

Le Jour de Colère a donc annoncé plusieurs manifestations régionales le week-end du 5 au 6 avril 2014 :

Personnellement je ne pense pas pouvoir couvrir ces jours là une de ces manifestations, étant occupé par ailleurs.


Addendum par Thomas Debesse le 02/03/2014 à 09:37.

Couvrir ce Jour de Colère fut l’occasion pour moi de rencontrer des gens que je ne connaissais pas et que je ne rencontrerai probablement jamais en d’autres circonstances.

Au départ de la manifestation, place de la Bastille, alors que j’enfilai un surpantalon imperméable pour me protéger de la pluie, j’ai fait tomber par mégarde et sans le savoir mon portefeuille au sol. Je laissais alors derrière moi argent, carte bancaire et divers papiers importants répandus sur le goudron détrempé. Un homme s’est alors empressé de m’approcher et m’a interpellé pour me faire remarquer ma mésaventure et j’ai pu ramasser mes affaires dispersées. Je suis passé pas loin d’un grand drame… Cet homme à qui je dois d’avoir récupéré toutes mes précieuses affaires était un jeune du service de sécurité de Civitas. On ne pourra rien y faire, mais c’était mon premier contact avec eux, et probablement le dernier avant longtemps, mais ce contact impromptu fut excellent. N’en déplaise aux diabolisateurs attitrés prompt à caricaturer, mais le diable a été honnête avec moi.

On pourra comparer la différence de traitement avec celui subi par le reporter d’Agence Info Libre quelques jours plus tard, agressé lors d’un reportage sur une manifestation pro-avortement.


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