La Bretagne et ses grands Pardons : la découverte ou l’ignorance


Posté par Thomas Debesse le 30/06/2017 à 23:48. cc Licence CC by (copiez-moi !)

Calvaire breton
Calvaire breton sous un ciel orageux

La Bretagne n’a pas de papiers

Dans l’album La découverte ou l’ignorance, le groupe Tri Yann reprend cet extrait de l’Essai sur la Démocratie française de Morvan Lebesque :

Le breton est-il ma langue maternelle ? Non : je suis né à Nantes où on ne le parle pas… Suis-je même breton ? Vraiment je le crois. Mais de « pure race », qu’en sais-je et qu’importe ?… Séparatiste ? Autonomiste ? Régionaliste ? Oui et non : différent. Mais alors vous ne comprenez plus. Qu’appelons nous être breton ? Et d’abord, pourquoi l’être ?

Français d’état civil, je suis nommé français, j’assume à chaque instant ma situation de français : mon appartenance à la Bretagne n’est en revanche qu’une qualité facultative que je puis parfaitement renier ou méconnaître. Je l’ai d’ailleurs fait. J’ai longtemps ignoré que j’étais breton… Français sans problème, il me faut donc vivre la Bretagne en surplus, ou, pour mieux dire, en conscience : si je perds cette conscience, la Bretagne cesse d’être en moi ; si tous les Bretons la perdent, elle cesse absolument d’être. La Bretagne n’a pas de papiers. Elle n’existe que dans la mesure où à chaque génération des hommes se reconnaissent bretons. A cette heure, des enfants naissent en Bretagne. Seront-ils-bretons ? Nul ne le sait. À chacun, l’âge venu, la découverte ou l’ignorance…

Bien qu’emplis d’intuitions remarquables, je ne peux complètement adhérer aux propos de Morvan Lebesque : il y reste un arrière-goût de blessure, la marque d’une identité désincarnée. Il subsiste une forme de fascination pour un idéalisme qui détruit cette même identité recherchée, comme un venin en son sein.

Morvan Lebesque ambitionnait de réunir pensée socialiste et mouvement breton et fut certainement un acteur efficace de cet acoquinement. Peut-être a-t-il malgré-lui façonné la résilience dont avait besoin l’identité bretonne pour survivre alors : en même temps que la pensée révolutionnaire séduit les plus indépendantistes, cette même pensée révolutionnaire, tissée d’idéalisme, réduit l’identité bretonne à une idée. Et lorsque cette identité est réduite à un état de conscience, qu’elle ne peut s’incarner pleinement, cette identité peut se développer sans trop inquiéter l’État central qui ne se voit pas opposer de résistance incarnée.

Empreinte de cet idéalisme, la conscience politique bretonne s’ancre autant dans son esprit de particularisme qu’elle se soumet complètement au socialisme et à l’état central. Ainsi la conscience politique bretonne rêve d’émancipation, mais se soumet à l’état jacobin. Le bonnet rouge se révolte contre le gouvernement socialiste qui le saigne, mais vote Jean-Yves Le Drian aux Régionales. Quand Richard Ferrand qualifie le Breton d’illettré, le Breton vote en masse pour lui aux Législatives. Étrange paradoxe de l’homme fort qui se soumet à celui qui se joue de lui ! Étrange paradoxe de l’homme fier qui exalte autant son identité qu’il la réduit à une vue de l’esprit ! Étrange paradoxe de l’homme qui se fascine pour le venin qui le ronge !

Ainsi, peut-être, cet idéalisme fut une forme de résilience nécessaire, mais toute résilience, élaborée pour traverser l’épreuve et survivre, devient un carcan. La véritable guérison se fait lorsque l’homme se défait de sa résilience comme d’une coquille désormais inutile. Lorsque l’homme se détache à la fois du mal et de cette résilience à l’image du mal, alors l’homme est libre. De la résilience qui protège autant qu’elle emprisonne l’homme blessé, l’homme doit encore se libérer : après la résilience, l’homme cherche la rédemption.

Il y a quelque chose d’un peu trop désincarné, propres aux conceptions identitaires de la pensée socialiste : cette idée d’une identité entièrement fondée sur la subjectivité. Cette pensée introduit une tyrannie du subjectivisme dans la question de l’identité, subjectivité tyrannique que l’on retrouve aujourd’hui dans d’autre domaines comme les mouvements identitaires sexuels contemporains par exemple. Mais Morvan Lebesque touche juste lorsqu’il écrit « La Bretagne n’a pas de papier ». En effet, l’identité Bretonne ne tient pas à des papiers, elle ne tient pas à un état civil, elle ne tient pas à une carte d’identité qui se révèle bien improprement nommée, incapable de pourvoir une identité ni d’attester la nationalité par exemple. L’identité ne repose pas sur du papier, et la contraposée est vraie elle aussi : le papier ne procure pas d’identité. En réalité, le papier n’est rien d’autre qu’une forme de subjectivité lui aussi : la subjectivité tyrannique du système administratif, décidant de ce qui est et n’est pas.

Dans la pensée de Morvan Lebesque s’y trouve donc des intuitions remarquables qui, détachées de cet idéalisme, sont à même d’éclairer l’identité du baptisé.

Le Français, le Breton pourrait parler de son identité chrétienne en ces termes :

Français d’état civil, je suis nommé français, j’assume à chaque instant ma situation de français : mon appartenance à l’Église n’est en revanche qu’une qualité facultative que je puis parfaitement renier ou méconnaître. Je l’ai d’ailleurs fait. J’ai longtemps ignoré que j’étais chrétien. Français sans problème, Breton sans problème, il me faut donc vivre l’Église en conscience.

Mais je n’irai pas plus loin dans la comparaison, et j’éviterai le piège de l’idéalisme, j’ai déjà ôté des mots.

Morvan Lebesque attache l’identité à la conscience, et ne permet pas à l’identité de survivre à une conscience altérée, contrairement au baptême : « si je perds cette conscience, la Bretagne cesse d’être en moi » dit-il. Cependant, même dans cet idéalisme, Morvan Lebesque fait encore preuve d’une intuition remarquable : il écrit : « il me faut donc vivre la Bretagne en surplus, ou, pour mieux dire, en conscience ». Morvan Lebesque n’est pas très à l’aise avec l’idée de vivre son identité bretonne en surplus. Si l’on peut détacher conscience et identité, Morvan Lebesque ne se trompe pas lorsqu’il décrit la modalité de cette identité : la plus juste manière de vivre son identité, c’est de vivre son identité en conscience.

Il en va ainsi de l’identité chrétienne : elle peut s’ignorer, et se redécouvrir. Mais lorsque cette identité chrétienne est redécouverte, ce n’est pas en surplus qu’il convient de la vivre, mais en conscience.

Le caractère du baptême, antidote à l’idéalisme

Je peux, à la manière de Morvan Lebesque, parler de mon identité chrétienne en ces termes : « mon appartenance à l’Église n’est en revanche qu’une qualité facultative que je puis parfaitement renier ou méconnaître, Français sans problème, il me faut donc vivre l’Église en conscience ».

Si je perds ma conscience de chrétien, l’Église ne cesse d’être en moi. Si tous les chrétiens perdent cette conscience, l’Église ne cesse d’être incarnée dans ses membres qui l’ignorent. L’Église n’a pas besoin de papier, le baptême n’a pas besoin de papier, mais être chrétien est une identité qui ne tient pas à la conscience, mais à un caractère.

Ce qui met en défaut l’idéalisme, c’est le caractère du baptême. L’homme peut renier son baptême, ignorer son baptême, oublier son baptême, brûler ses églises et effacer sa trace des registres, l’homme peut perdre cette conscience de baptisé, jamais l’Église ne cesse d’être en lui, jamais l’homme ne cesse d’être identifié au Christ, marqué par un caractère indélébile.

Le chrétien n’a pas besoin de papier, le baptisé peut même renoncer à sa conscience de baptisé. Ce baptisé reste chrétien, son identité dans le Christ participe toujours à son identité, car le baptisé est renouvelé : il est une création nouvelle. Des générations d’hommes peuvent ne pas se reconnaître chrétiens, le monde entier pourrait apostasier sur cette terre, l’Église vit toujours dans le Christ et dans ses saints.

À la différence de cette conception idéaliste que Morvan Lebesque fait de l’identité, l’identité chrétienne ne tient pas à la conscience. Quand Morvan Lebesque fait tenir l’identité à la découverte, l’identité chrétienne tient au baptême, que l’ignorance ne peut affecter. Le baptême est un acte de conscience, qui nécessite une découverte, mais la réalité de cette identité ne tient pas à la conscience. La perte de conscience de son identité de baptisé ne peut altérer la réalité de l’identité chrétienne. L’homme découvre, fait sienne cette conscience, et demande le baptême. Alors l’homme est recréé, et rien, pas même lui, ne peut détruire cette identité de Chrétien.

Le Français, le Breton pourrait écrire ces mots :

À cette heure, des enfants naissent en France, des enfants naissent en Bretagne, seront-ils chrétiens ? Nul ne le sait.

Il n’y a comme antidote à l’idéalisme de Morvan Lebesque qu’une identité qui se fonde ni sur la subjectivité de la conscience, ni sur la subjectivité d’un papier, mais sur un signe visible : un sacrement.

Le baptême est l’antidote à l’idéalisme et le meilleur pourvoyeur d’identité, en tant qu’il est un sacrement — c’est-à-dire un signe visible — qu’il est un sacrement à caractère, et qu’il ne passe pas. En ce sens, l’identité du baptême est une identité invincible.

Parce que le baptême est une création nouvelle, le baptême marque le chrétien dans son identité de manière indélébile. Le christianisme est une identité, l’identité d’un homme renouvelé, l’identité d’un homme recréé.

Il est aisé de ne pas reconnaître son identité chrétienne ou de l’oublier, Pour celui qui découvrirait cette identité chrétienne, il serait tentant de ne la vivre qu’en surplus. Mais l’homme devient Chrétien par son baptême : recréé, son identité chrétienne n’est pas un surplus, le Christ devient l’essence même de l’identité du Baptisé.

Contrairement aux identités séculaires qui passeront avec ce monde, il y existe une identité qui survit même à la conscience : l’identité du baptisé, l’identité de l’homme identifié au Christ.

Le pardon de Saint-Gildas

Ce dimanche 2 juillet se tient le Pardon de Saint-Gildas-des-bois : messe, procession aux bannières à la suite des reliques de saint Gildas et de saint Hermeland, marché artisanal local, bière artisanale, danses, musiques, jeux bretons, fest noz ! Un événement solidement ancré dans son identité bretonne et dans son identité chrétienne. Pour le dire plus justement encore : le pardon de Saint-Gildas-des-bois, c’est une identité bretonne solidement ancrée dans son identité chrétienne. Car si la Bretagne passe avec le monde, l’identité du breton est éternelle dans le Christ !

À chacun, la découverte ou l’ignorance ? Au Pardon de Saint-Gildas, venez découvrir. ;-)


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Lecture conseillée : Le Christ : identité du baptisé, Voici l homme.

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