Du consentement au désir, une question de liberté


Posté par Thomas Debesse le 06/08/2016 à 15:41. cc Licence CC by (copiez-moi !)


Veillée de prière aux JMJ à Cracovie.

Je suis venu aux JMJ de Cracovie avec une question, et j’y ai reçu la réponse à cette question, cette réponse est venue à moi tout doucement, jusqu’au dernier instant, jusqu’à la fin de la messe de départ, avant de prendre le car du retour.

Je vais donc vous partager à la fois la question, et la réponse.

Du consentement au désir

Si vous entrez au séminaire, vous serez jugés sur le désir, vous serez appelé au sacerdoce selon votre désir, mais si vous vous mariez, la validité de votre mariage tiendra à votre consentement. Tous les mariages se fondent sur le consentement, et parfois sur le consentement seul, sans désir, mais l’Église n’appelle pas au sacerdoce sans que l’homme n’exprime son désir, pourquoi ? Pourquoi demande-t-on le consentement pour le mariage, et pourquoi demande-t-on le désir pour le sacerdoce ?

Le Christ n’est pas célibataire, s’il ne se marie pas en apparence, c’est parce qu’il a déjà une unique épouse qui est l’Église. L’Église est l’unique épouse que le Christ a épousée¹. Le prêtre n’est pas célibataire non-plus : si le prêtre ne se marie pas en apparence, c’est parce qu’en étant configuré au Christ, il a déjà une unique épouse qui est l’Église. Le Prêtre, en étant configuré au Christ, épouse l’Église comme le Christ épouse l’Église, dans son sacerdoce.

Alors, pourquoi demande-t-on le témoignage du désir à l’homme qui épouse l’Église, mais demande-t-on le témoignage du consentement à l’homme qui épouse la femme, et à la femme qui épouse l’homme ?

Si vous entrez au séminaire, l’Église ne vous jugera pas sur votre consentement, ni sur votre fidélité mais sur le désir, pourquoi ? Si vous entrez au séminaire, on suppose votre consentement, votre fidélité, elle, ne pourra être vérifiée que dans le temps, mais votre désir, lui sera demandé.

Une réalité apparaît alors : si le mariage se suffit du consentement, l’épouse peut aussi exiger le désir. C’est effectivement ce qui se passe, L’Église, en tant qu’épouse, demande le désir en plus du consentement.

Cela ne répond pas encore à la question, mais il apparaît que, selon la volonté de l’épouse ou de l’époux, le désir de l’autre puisse être réclamé comme condition du consentement. L’Épouse, comme l’époux, peuvent poser le désir comme condition du consentement.

Si le témoignage du consentement est nécessaire à la validité du mariage, l’épouse peut exiger le témoignage du désir. L’Église est épouse, elle exige bien entendu le consentement, mais c’est en tant qu’épouse que l’Église exige le désir comme condition du consentement.

Alors, pourquoi l’Église demande-t-elle au prêtre le désir ? Pourquoi l’Église pose-t-elle le désir de l’Homme comme condition au consentement ?

Une question de liberté

La clé se trouve dans la liberté. Le consentement est nécessaire au mariage, parce qu’il ne peut y avoir consentement sans liberté, et la liberté est nécessaire au mariage. Mais le consentement n’est pas la plus grande des libertés.

La permission est une prise de risque : le risque du refus. En demandant la permission, la personne offre à l’autre la liberté d’accepter ou de refuser. Le permets-tu ? Oui, Non. La permission prend le risque du non.

Le consentement est une prise de risque plus grande que la permission, car le consentement implique une participation, ne serait-ce que sur le plan moral et celui de la volonté. Pour donner un exemple, si vous pouvez répondre « oui, mais sans moi », vous n’êtes clairement pas dans le consentement alors que vous êtes toujours dans la permission. 

Le consentement implique ne serait-ce que la participation morale, l’engagement de la responsabilité, et la volonté. C’est pour cela que l’Église exige le consentement² et pas seulement la permission. L’Église demande le consentement de l’homme et de la femme : « Veux-tu être mon époux ? Veux-tu être mon épouse ? ». Si l’Église se suffisait de la permission, il suffirait que l’homme demande et que la femme accepte, ou inversement, mais l’Église exige le consentement, il faut que ce soit plus qu’une permission, mais une participation, ne serait-ce que vouloir faire sien ce qui est proposé, et d’en partager la responsabilité morale. C’est pourquoi il est nécessaire que celui qui accepte pose la question de ce qui lui est demandé, faisant sien la demande, en plus de répondre à cette demande.

Mais il y a un plus grand risque que le consentement, c’est le désir. Il est possible de répondre « oui » à la permission, il est possible de répondre « oui » au consentement, et de répondre « non » au désir. Un mariage arrangé, s’il est pleinement consenti, est parfaitement valide, mais le désir peut lui faire défaut. Le prince qui épouse la princesse afin d’unir leurs deux royaumes pour le bien de leurs peuples peuvent pleinement consentir à leur union, et leur mariage sera valide, mais le désir pourrait bien être absent. En ce sens, le mariage arrangé peut sembler plus simple que le mariage de désir  : au moins la vocation est clairement exprimée, et le choix de l’épouse, aisé. Mais il y a plus grand que le consentement, une plus grande prise de risque, un abandon plus grand : le désir de l’autre. Le désir est le plus grand des abandons. Le consentement peut se travailler par la raison, mais le désir ne se travaille qu’avec le cœur, si la raison peut s’expliquer à l’autre, le cœur, lui, ne peut être convaincu, il peut seulement se laisser toucher, si et seulement si il le désire.

Voilà pourquoi demande-t-on le désir, car prendre le risque du désir, c’est là la plus grande liberté, et le Christ, dans sa perfection, ne peut épouser sans proposer à l’Église cette perfection de liberté, et le prêtre, dans sa configuration au Christ, est tenu à cette perfection, à cette prise de risque, à cette liberté.

Dans son union au Christ prêtre, l’Église ne prend pas seulement le risque du consentement, elle prend également le risque du désir, et ce risque est porté par chacun.

C’est aussi pourquoi la vocation sacerdotale est double, comme le mariage : l’Église, par le Christ, appelle l’homme au sacerdoce, mais l’homme, par le Christ, appelle l’Église à ses épousailles. Il faut donc que l’appel, et donc le désir, soit mutuel. C’est pourquoi le séminariste doit exprimer son désir : l’homme appelle l’Église qui est libre de l’appeler en retour. L’homme ne doit pas seulement recevoir l’appel, il doit lui aussi appeler, et ces deux appels se font selon le désir de chacun : le désir de l’Église, et le désir de l’homme.

Il y a une liberté plus grande que le consentement : la liberté du désir. Ainsi le prêtre qui assiste à l’échange des consentements prononce : « Accorde-leur de vivre unis, dans un amour mutuel, une vraie communion d’esprit, et un même désir de sainteté. Par Jésus-Christ ». La sainteté ne se consent pas seulement, la sainteté se désire. Le vrai désir de sainteté par Jésus-Christ, voici la plus grande liberté.

Nous sommes créés avec une capacité de consentement, mais nous sommes créés pour le désir.

Au secours de la liberté, la miséricorde

Voici la réponse que j’ai reçue : prendre le risque du désir est une liberté plus grande que le consentement. Cette liberté est bien entendue encouragée dans le mariage. Et là je m’avance un peu, mais c’est probablement à cause de notre dureté de cœur que Dieu, par son Église, nous permet la liberté du consentement, ainsi, le mariage est accessible malgré notre imperfection, et c’est là une grande miséricorde.

Bien entendu, tout comme le mariage est un apprentissage de l’amour, le mariage est aussi un apprentissage du désir, le mariage en est un apprentissage privilégié. Cet apprentissage du désir est même nécessaire à la fidélité du mariage, car le mariage ne peut être fidèle sans pardon, et le pardon ne peut être reçu que par désir.

Ainsi, par la liberté du consentement dans leur engagement à la fidélité, les époux s’engagent sur un chemin d’apprentissage du pardon qui est un apprentissage du désir et donc d’une liberté plus grande que leur consentement, et ça, c’est une grande miséricorde.

Ainsi, dans leur consentement mutuel, chacun des époux sont invités à prendre le risque du désir, en cela, ils sont invités à imiter le Christ et l’Église, et ça, c’est la sainteté.


¹ C’est parce que le Christ épouse Jérusalem (l’Église) que le Christ crie « J’ai soif » sur la Croix. Jérusalem est celle qui est emmenée au désert pour mourir de soif (Osée 2, Ézéchiel 16), celle qui doit crier sa soif au père parce que rien ne la désaltère (Jean 4). C’est pourquoi le Christ prononce d’abord « Ceci est mon corps » (Matthieu 26) comme Adam prononça « Voici la chair de ma chair » (Genèse 2), et ne faisant alors qu’un avec Jérusalem son épouse, prononce « J’ai soif » avec elle (Jean 19).

² L’Église exige effectivement le témoignage du consentement, mais ne demande pas le témoignage de l’amour. En effet, l’homme et la femme ne se marient pas parce qu’ils s’aiment, mais parce qu’ils veulent s’aimer. Il est bien entendu plus facile de vouloir s’aimer lorsque l’amour est déjà vécu, mais la volonté seule de s’aimer est suffisante. Le mariage ne récompense pas l’amour, il est le chemin d’apprentissage de cet amour.


Addendum par Thomas Debesse le 06/08/2016 à 20:10.

Suite à des questions posées, je tiens à préciser que lorsque je compare désir et consentement, je ne traite pas de la validité du sacrement de l’ordre. Je ne pense pas, non, que l’absence de désir engage la validité du sacerdoce. J’ai parlé de validité du mariage mais je n’ai pas parlé de validité du sacerdoce. Ce qui est réel, c’est que sur le plan pratique (pastoral ?), le désir sera exigé par l’Église visible. Le désir n’est pas une condition de la validité du sacerdoce, c’est une condition de l’appel au sacerdoce. Si la liberté du consentement est suffisante, l’épouse est libre de demander le désir en plus du consentement, ce qu’elle fait.


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