Posté par Thomas Debesse le 19/04/2025 à 11:00. Licence CC by (copiez-moi !)
→ regarder sur la chaîne Youtube N’oubliez pas de vivre (Licence CC By‑SA)
Le nouveau Blanche-Neige de Disney est un échec. Un échec commercial d’abord, mais surtout, la clientèle historique de Disney n’a plus confiance. Certains diront que cet échec était prévisible, et ils ont raison. Pourquoi ? Parce que Disney a agit selon des principes qui ont déjà été suivis par d’autres organisations avant Disney et qui font face aux mêmes échecs depuis bien plus longtemps. Savez-vous que l’Église Catholique a mis en œuvre ces principes bien avant Disney et est en grande difficulté depuis avant que Disney se mette à l’imiter. Certains dénoncent parfois que des gens dans l’Église s’attachent à suivre les dernières idéologies à la mode sans discernement. Mais ici c’est le contraire qui s’est produit. C’est Disney qui a suivi sans discernement les errements de certaines personnes dans l’Église catholique.
L’objectif de cette vidéo n’est pas de blâmer qui que ce soit mais d’analyser les faits, de tirer des leçons, et de nourrir le discernement qui précède nos actes. Le but de cette vidéo c’est que lorsque nous pourrions être tenté de suivre ces principes qui conduisent à la ruine, nous sachions les reconnaîtres et sachions prendre les bonnes décisions pour éviter cette ruine.
[Générique : N’oubliez pas de vivre]
Je vais commenter le nouveau film de Blanche-Neige tel qu’il a été finalement présenté au public, mais je vais surtout commenter le développement de ce film, la façon dont il a été pensé, voulu, produit.
Rachel Zegler est l’actrice qui joue Blanche-Neige dans le film de 2025, et Gal Gadot celle qui joue la reine. En 2022 un journaliste de Variety a questionné Rachel après qu’elle aurait dit qu’elle apportait une touche de modernité. Il lui demande des précisions, Rachel Zegler répond un discours préparé, mais aussi dirigée par l’actrice Gal Gadot à côté d’elle qui lui souffle quoi répondre :
- Journaliste : You said you were bringing a modern edge to it on stage, what do you mean by that?
- Rachel Zegler : I just mean that it's no longer 1937 and we absolutely wrote a Snow White that is…
- Gal Gadot : …she is not gonna be saved by the prince.
- Rachel Zegler : Ya, She's not going to be saved by the prince and she's not gonna be dreaming about true love. She's dreaming about becoming the leader she knows she can be.
La traduction de la réponse de Rachel Zegler et Gal Gadot est la suivante :
Je traduis « true love » par « amour vrai » parce que c’est le sens exact de ce qui est dit. J’ai vu que certains pourraient traduire par « grand amour » mais les mots sont importants, il ne s’agit pas d’intensité mais de vérité. Les mot employés sont « true love », l’« amour vrai », l’amour véritable, la vérité de l’amour. Rachel Zegler ne dit pas que la nouvelle Blanche-Neige ne rêve pas d’un amour intense, elle dit que la nouvelle Blanche-Neige ne rêve pas de vérité dans l’amour.
J’ai aussi choisi de ne pas traduire « leader » car c’est le mot anglais qui est employé en français dans la doctrine managériale. Nous pourrions utiliser éventuellement l’anglicisme leadeuse. Il s’agit pas ici de seulement nommer la fonction d’une directrice ou d’une meneuse, mais nomme un concept appartenant à une doctrine déterminée. Ce mot de leader est par exemple utilisé dans la doctrine de la dualité leader-manager qui est aujourd’hui promue dans certains diocèses catholiques pour encourager le renoncement des évêques à certaines de leurs responsabilités temporelles. Doctrine dont la mise en œuvre est à l’origine de drames personnels profonds, d’échecs, d’abus de personnes et de biens, de démissions, et de malveillances.
Nous pouvons par exemple lire cette phrase sur le site de la conférence des évêques de France :
Le clergé et l’épiscopat lui-même est encouragé à abandonner ses devoirs matériels selon l’application de la fausse dualité « leader-manager » de la doctrine managériale. L’évêque sera par exemple encouragé à s’enfermer dans son château avec un évêché de cour, il ne lui sera laissé qu’un rôle représentatif de voyage, d’inspiration et de procession, en délaissant totalement l’évêché de service et donc l’administration du territoire, la gestion du foncier, la sécurité sociale des prêtres, le tribunal écclésiastique, la sécurité des bâtiments, l’honnêteté des contrats et autre salaire de ses collaborateurs, etc. Le clergé est alors encouragé à agir comme si ces réalités matérielles étaient entâchées de péché par nature. Cette idéologie managériale du leader développe ainsi dans l’Église une sorte de Catharisme moderne où le leader traiterait de ce qui appartiendrait à une réalité pure et spirituelle, et le manager traiterait de ce qui appartient à une réalité incarnée et nécessairement pécheresse.
À ce sujet de réalité matérielle nécessairement pécheresse, je peux vous renvoyer à mon article de 2020 intitulé Judas Manager, où je raportais les paroles d’un prêtre qui m’avait dit que la figure du manager dans l’Église était Judas. Je peux préciser et confirmer aujourd’hui que oui, ce modèle de Judas a été donné et pris comme modèle pour la fonction de vicaire général. Et que ceci était dit très sérieusement, comme justification d’une gouvernance qui a été effectivement mise en œuvre.
Je reviens donc à la parole de Rachel Zegler :
Nous avons donc une actrice qui s’exprime de manière publique et officielle et qui est donc à ce moment-là une porte-parole de Disney qui ne fait que réciter un texte préparé et dirigé. Elle nous dit que le personnage principal du conte renouvelé ne serait pas sauvée par un prince, ne cherche pas l’amour vrai, mais cherche à devenir une leader.
Je fais aussi la comparaison avec l’Église catholique à cause de la doctrine catholique du Salut. Dans le catholicisme et dans le judaïsme, cette doctrine du Salut s’inscrit dans un imaginaire culturel collectif, nourrit par différents récits bibliques. Un de ces récits fondamentaux est le chapitre 16 du livre d’Ézéchiel, un livre qui nourrit notre société depuis au moins 2500 ans, qui reprend certains éléments du chapitre 2 du livre d’Osée, qui le précèderait de quelques siècles encore.
Dans ces récits de l’Ancien Testament, il rapporté que Dieu aurait raconté une histoire, sous forme de parabole, pour expliquer sa relation personnelle avec l’Humanité. L’Humanité est présentée comme une petite fille prénommée Jérusalem. Le juif comme le chrétien peut voir dans cette figure de Jérusalem la représentation de son peuple, comme par exemple la tribu de Juda, mais encore le peuple Hébreu. Et selon la doctrine catholique d’un Salut promis à l’humanité toute entière, cette Jérusalem est en fait beaucoup plus que cela, Jérusalem est la figure de l’Église. Le salut est proposé à l’humanité entière et c’est l’humanité entière qui est invitée à se reconnaître dans cette Jérusalem. Le récit est universel.
Dans ces récits, Jérusalem est présentée comme une enfant, un nouveau né, vulnérable, abandonné par terre par ses parents à sa naissance. Elle n’a reçu aucun soin. Son cordon n’a même pas été coupé, elle est là par terre encore attachée au placenta. Elle ne peut pas survivre d’elle même. Elle ne peut pas vivre. Et chacun de nous peut s’identifier à ce personnage vulnérable qui n’a pas d’autre horizon que la mort, mort qui est effectivement une de nos seules certitudes à venir.
Le livre d’Ézéchiel continue le récit en disant que Dieu voit cette enfant en train de mourir et décide de la sauver. Il dit cette parole « Vis dans ton sang » et il la prend sous sa protection. Il la lave, il l’habille, et alors qu’elle grandit il l’éduque, lui offre des bijoux, et elle devient une femme puissante. Mais alors qu’elle devient cette femme puissante, elle s’ennorgueillit de cette puissance et de sa beauté, elle s’en sert pour se prostituer et tombe dans une grande déchéance. Non seulement elle en vient à payer sa propre prostitution, c’est elle qui paie ses amants avec les cadeaux qu’elle a reçu gratuitement, mais en plus elle tue ses propres enfants.
Vous reconnaîtrez dans cette femme qui s’ennorgueillit de sa beauté la Reine du conte. Dans le conte de Banche-neige on nous dit que c’est un remariage, la reine a donc reçu sa royauté de son mari, elle a reçu sa richesse de son mari, elle a reçu son pouvoir de son mari, elle a reçu tous les apparats de reine de son mari. Elle veut être la plus belle, et pour le devenir,,elle veut tuer l’enfant de son mari. C’est là que le conte, en prenant quelques libertés dans le récit, nous présente les personnages et les enjeux.
Mais revenons à l’histoire de Jérusalem. Face à tous ces abus de Jérusalem, la pensée qui pourrait venir naturellement à un esprit humain dans cette situation serait de lui dire : Écoute, je t’ai sauvé la vie, tu n’es rien sans moi, ne vaut-il pas mieux que je te remmène au désert où je t’ai trouvée, que je reprenne tout ce que je t’ai donné, château, bijoux, couronne de reine, robes précieuses, armes, notoriété, pouvoir, que tu te retrouves nue comme tu étais quand je t’ai trouvée et que je t’ai sauvée ? Et là au désert, quand tu n’aurais plus rien de ce que je t’avais donné, tu réfléchiras à ce que tu as fait. Voyez là c’est une pensée très humaine : vous confiez quelque chose à quelqu’un, il en abuse, vous reprenez.
Le livre d’Osée nous dit, je cite : « Qu’elle éloigne de sa face ses prostitutions, […] de peur que je ne la déshabille à nu, et que je ne la mette telle qu’au jour de sa naissance, que je ne la rende pareille au désert, […] et que je ne la fasse mourir de soif ».
Effectivement si cette femme est emmenée au désert, elle va inévitablement mourir de soif. La mort est annoncée et inévitable.
Et c’est là que le récit sort du naturel pour passer au surnaturel. Le chapitre 16 du livre d’Ézéchiel se termine ainsi : « Mon alliance se fera lorsque je ferai l’expiation pour toi ». Ainsi Dieu dit qu’il va sauver cette femme, encore une fois, il va la sauver de la mort. C’est Dieu qui mourra, à sa place, et il va la sauver.
Cette figure de Jérusalem est donc une allégorie de l’humanité entière. Chacun peut aussi y voir sa propre nation : un Français peut par exemple légitimement voir dans cette Jérusalem un allégorie du peuple Français, fille ainée de l’Église qui se prostitue et tue ses enfants. Chaque homme peut y voir sa propre famille, mais surtout, chaque homme peut se reconnaître lui-même. Chaque homme est invité à se reconnaître dans cette même figure de Jérusalem et à désirer le même salut. Chaque homme, chaque femme est invité à désirer pour lui-même l’amour vrai qui est promis à cette figure de Jérusalem.
Car cette invitation à se reconnaître dans Jérusalem s’adresse à tout le monde. Femme, ou homme. Cette invitation m’est faite à moi. Cette invitation est faite au Pape, au président de la République Française, aux présidents des États-Unis, de Russie, de Chine et autre dirigeant de Corée du Nord, à la nouvelle personne forte du moment en Syrie, ou encore au roi d'Arabie Saoudite. Le fait que dans le récit Jérusalem est une femme appartient à la construction de l’allégorie, parce que Jérusalem, en tant que femme, va épouser le Christ. Mais ce qui est dit concerne tout le monde. Cette figure de Jérusalem dans la prophétie d’Ézéchiel et celle d’Osée, Jérusalem est une figure universelle. Il n’y a pas de discours à avoir du genre « oh-là-là encore une femme sauvée par un homme », celui ou celle qui tiendrait ce discours est un inculte car dans ce récit, tout le monde, mais tout le monde sans exception, est celui qui est sauvé.
Voyez, dans ces textes millénaires, cette fille n’a plus voulue être sauvée, elle a voulu être une leadeuse comme la nouvelle Blanche-Neige. Et donc elle s’est prostituée, elle a tué ses enfants. Et pourant Dieu lui dit qu’il découvrira sa nudité, c’est à dire qu’il révèlera tout ce qu’elle est réellement sans tous se qu’il lui avait donné, mais Dieu ajoute immédiatement qu’il mourra à sa place
Comme Jérusalem, comme la reine du film de 1937, la nouvelle Blanche-Neige de 2025 ne veut plus être sauvée, elle ne cherche plus l’amour vrai, elle veut être une leadeuse.
Le juif sait que le messie doit sauver Jérusalem. Dans le cantique des cantiques on entend le chœur chanter « qui est celle qui remonte du désert appuyée sur son bien-aimé ». Si vous reconnaissez là la scène finale du film de 1937, c’est tout à fait normal. Car cette figure de Jérusalem est divisée en deux personnages dans le film de 1937. Nous avons la Reine qui représente la prostitution, et nous avons Blanche-Neige qui représente l’innocence et la résurrection.
Dans le récit biblique, le prince qui va épouser Jérusalem, c’est le Messie, c’est le Christ. Le Chrétien sait que c’est le Christ qui est Dieu, qui est le Messie et qui épouse Jérusalem sur la croix, et qui dit « j’ai soif » à sa place. C’est le Christ qui meurt à la place de Jérusalem en disant « j’ai soif ». Il lui prouve son amour véritable, et il la sauve.
Le chrétien qui connaît le Nouveau Testament sait que c’est le Christ qui demande de l’eau à la femme qui a cinq maris, et cette femme adultère s’en étonne légitimement, car elle sait que c’est elle qui est sensée être emmenée au désert pour mourir de soif, et pourtant c’est le Christ qui lui demande de l’eau, à elle.
Le Chrétien sait que c’est le Christ qui sauve par sa mort et sa résurrection. Le catholique sait que Jérusalem et l’Église est la même personne, et que si l’Église est sainte et sans péché, ce n’est pas par ses actions qu’elle ferait par sa volonté seule et qui ne sont que les prostitutions et les infanticides de Jérusalem, mais parce qu’elle est sauvée par le prince. L’Église est sainte et sans péché parce que le prince est mort pour le fautes de Jérusalem, et que Jérusalem est sauvée par lui. Ce ne sont pas les hommes qui font la sainteté de l’Église par la force de leur petit poings volontaristes, c’est le Christ qui rend sainte l’Église.
Lorsqu’un homme d’Église renonce à ce désir du salut et de l’amour vrai pour lui préférer l’ambition du leader, il agit comme le décrit Rachel Zegler : il ne sera pas sauvé par le prince, il ne cherche pas l’amour véritable, il cherche à devenir un leader. Quand il agit ainsi, qu’il soit prêtre, évêque, pape ou simple laïc, l’homme prostitue l’Église, et alors nous sommes effectivement témoins de cette Jérusalem qui refuse d’être sauvée par le prince et qui abuse donc des enfants dont elle a la charge.
Le conte de Blanche-Neige de Disney des années 30 prend beaucoup de libertés sur les divers récits rassemblés par les frères Grimm, et se rapproche en fait beaucoup plus du récit biblique de Jérusalem, en prenant là aussi des libertés. Je ne sais si ce rapprochement avec ce récit de Jérusalem est conscient et volontaire, mais même si c’était fait de façon involontaire, ce n’est pas surprenant, car nous ce que nous produisons est nourri par la culture dans laquelle nous grandissons.
Dans le film de 1937, Blanche-Neige est innocente, Il y a une notion d’abandon par la perte de la mère puis du père, elle est promise à la mort par le biais d’un chasseur qui est envoyé pour la tuer, mais elle ne se prostitue pas, elle ne tue pas ses enfants. Le spectre de cette mort inévitable est toujours là cependant. Cette mort est réclamée par une jalousie, et Blanche-Neige doit être sauvée par un prince. Le prince ne va pas mourir pour elle, mais il doit lui prouver son amour. Dans le conte, cette preuve est un baiser. Ce n’est pas le prince qui meurt, c’est Blanche-Neige qui, apparemment, est morte, mais en lui donnant ce baiser, le prince témoigne que son amour à lui est plus grand que sa mort à elle.
En fait comme je l’ai dit, dans le dessin animé Blanche-Neige de 1937, la figure de Jérusalem est portée par deux personnes différentes : nous avons la reine qui est celle qui s’abandonne à son orgueil et qui s’attache à ses richesses et à son pouvoir, et qui doit mourir. Et nous avons Blanche-Neige l’innocente. Les deux personnages de la reine et de Blanche-Neige représentent les deux chemins que Jérusalem peut suivre : s’entêter dans son orgueil et courir à sa perte, ou s’abandonner à celui qui sauve, et ressusciter. Ces deux personnages expriment des aspects différents de cette même figure. Dans le film de 1937, celle qui cherche à devenir une leader et qui meurt, c’est la reine. Et celle qui est condamnée à mort mais qui désire le salut, qui est sauvée et qui devient reine à son tour, c’est Blanche-Neige. Il faut que la mauvaise reine meurt pour que l’innocente Blanche-Neige devienne reine, comme dans le récit du vieil homme qui doit mourir pour que le nouvel homme vive.
Certains auront remarqué comment dans le film de 1937, la pomme est proposée à Blanche-Neige d’une manière étrangement similaire au récit de la genèse. La reine-sorcière déguisée sous les traits d’une veille femme propose un fruit dont elle prétend qu’il exauce les souhaits. Elle tente Blanche-Neige. Elle la pousse à la faute. Blanche-Neige n’est pas en confiance. Mais la sorcière arrive à convaincre Blanche-Neige en lui promettant qu’elle obtiendra ce qu’elle désire en mangeant du fruit que nous savons empoisonné. La sorcière propose à Blanche-Neige de tricher. Nous savons que le fruit promet la mort, mais il lui est présenté comme ce qui va lui apporter sa satisfaction. Et c’est ça qui convaint Blanche-Neige, qui la fait tomber, et qui requiert que le prince vienne la sauver.
Dans le récit de la Genèse, il est dit que celui qui mange du fruit mourra, et pourtant alors qu’Adam et Êve mangent du fruit, tentés par le serpent qui leur ment et qui leur promet leur satisfaction, cela ne semble pas avoir provoqué l’extinction de l’humanité. Nous pouvons nous demander alors, comment l’humanité a-t-elle survécu ? Cette réponse est donnée précisémment dans le récit d’Ézéchiel au chapitre 16 : L’humanité est alors comme une enfant, orpheline, incapable de vivre par elle-même, promise à une mort certaine. Elle ne survit que parce qu’elle est sauvée, parce que Dieu passe auprès d’elle et lui dit « Vis dans ton sang », et dans l’Évangile, la preuve de l’amour véritable est donné en mourrant à sa place pour former l’alliance entre Dieu et les hommes.
Dans le récit de Blanche-Neige de 1937, c’est le prince qui sauve de la mort celle qui a mangé du fruit mortel, par la preuve d’un amour véritable symbolisé par un baisé. Le film de 1937 se termine par le prince et la princesse qui s’arrêtent pour contempler une cité céleste, reprenant le thème Judéo-chrétien de la Jérusalem céleste. La Jérusalem céleste étant la cité où, après la victoire définitive du bien sur le mal, vivront les enfants de Dieu.
Il est courant que l’on retrouve ces thèmes imbriqués, développés et réorganisés dans diverses œuvres prophanes. Il est possible que certains auteurs reprennent ces thèmes à leur compte sans forcément identifier clairement leur inspiration, car ce sont des structures de récit profondément ancrées dans notre culture multiséculaire. Cette culture s’est développée sur ces récits parce que dès le départ, depuis des siècles et des millénaires, les hommes ont considéré que ces structures de récits étaient essentiels à une construction civilisationnelle.
Lorsqu’un auteur s’éloigne un peu trop de ces structures, il va le ressentir inconsciemment, de même pour le spectateur. Et c’est pour ça que si vous regardez le nouveau Blanche-Neige de 2025, vous aurez surtout l’impression d’une mauvaise parodie emballée de propagande, plutôt qu’une histoire qui vous prend aux trippes et dans laquelle vous pouvez vous identifier, identifier votre peuple, et votre nature profonde. Les raisons qui font que le film de 1937 reste un classique sont en fait les mêmes qui ont fait que certains récits bibliques ont été conservés : ils racontent quelque chose de bien plus profond que le seul récit d’une princesse sauvée par un prince.
Certains ont fait remarquer que dans le nouveau film de 2025, la reine est en fait plus belle que Blanche-Neige [et] qui est sensée être jalouse de la beauté de Blanche-Neige. Et c’est normal, puisque dans le nouveau film, Blanche-Neige est enlaidie par son ambition de pouvoir et de devenir une leader, Blanche-Neige renonce à l’amour vrai et ne veut pas être sauvée. Si la reine est objectivement mauvaise et jalouse de Blanche-Neige, Blanche-Neige est jalouse de la reine. La mort de la reine n’est plus la conséquence du mal qu’elle a fait en tant que reine, mais seulement la conséquence du fait qu’elle perd ses moyens en s’énnervant après que Blanche-Neige ait réussi son coup d’état. Toutes ces structures de récit sont déconstruites, il ne reste du nouveau film de Blanche neige qu’un vague film d’action fantastique avec des personnages réutilisés pour raconter une histoire de justice sociale où des brigands font un coup d’État contre un tyran. Nous sommes très loin d’un récit qui raconte la mort et la résurrection, les conséquences nécessaires de la faute, la promesse du Salut et le désir d’un amour véritable…
Ainsi dans le nouveau film Blanche-Neige prend le pouvoir en faisant un coup d’État avec des bandits. La nouvelle Blanche-Neige n’est pas le héro du film parce qu’elle est innocente, mais parce que le film nous la propose comme le héro, proposition que nous devons accepter en formant un contrat social avec les studios Disney. Nous ne sommes heureux du dénouement que parce que notre parti a gagné, pas parce que le bien a vaincu. Ce bonheur est très fragile et incomplet, il ne peut nous satisfaire pleinement.
Accessoirement, le film commence avec des discours du genre « la richesse appartient à ceux qui produisent ». Alors ce n’est pas un problème en soit de dire ça, mais si tu veux faire un film où les gens sont opprimés par la régence pendant que le roi est à la guerre, et que ce peuple opprimé est aidé par des brigands au grand cœur, c’est pas un Blanche-Neige qu’il faut produire, c’est un Robin des bois. Les gens de Disney qui ont produit ce Blanche-Neige sont tellement aveuglés par leur « vision » qu’ils pensent prophétique qu’ils en viennent à s’emmeler dans leurs propres classiques.
- Rachel Zegler : « Weird, weird… » (bizarre, bizarre…)
Quand Rachel Zegler a dit que la nouvelle Blanche-Neige ne rêve plus d’être sauvée, ne rêve plus d’amour véritable, mais rêve de devenir une leader, elle avait nécessairement préparé cette réponse avec l’équipe de communication de Disney. Rachel n’a fait que se réapproprier une doctrine perverse qui est aujourd’hui très en vogue dans certains milieux catholiques, qui est portée par certains prêtres et par certains évêques qui ne se voient plus comme des gens qui doivent être sauvés, mais comme des leaders selon les termes et les principes de cette doctrine et qui suivent ce qu’ils appellent leur « vision », en réalité leurs pulsions indiscernées. Les studios Disney ont construit leur nouveau film sur les principes de ce nouvel évangile hérétique désormais professé par certaines personnes dans l’Église catholique.
Dans le nouveau film, dès les premières minutes, il est dit en anglais, la langue original du film, que Blanche-Neige est destinée à être un leader. Il est possible que certaines langues traduisent par reine, mais le texte en anglais dit que sa destinée est le verbe « to lead », dès la troisième minute, générique compris.
- Narrateur : « Some day her destiny would be to lead ».
Le roi chante la même chose, en employant le même verbe, à sa fille Blanche-Neige, dès la cinquième minute.
La seule satisfaction de l’histoire est que Blanche-Neige obtient ce qu’elle veut. À aucun moment le spectateur n’y retrouve l’histoire de sa propre vie, à moins de ne se penser que comme une personne qui ne souffre la contradiction. Évidemment c’est Blanche-Neige qui sauve celui qu’elle aime qui est un bandit, en « leadant » les autres à « croire en eux-même ». Blanche-Neige ne mange plus le fruit empoisonné parce qu’elle a été convaincue par un mensonge que cela lui apportera la satisfaction de son désir, mais parce que la sorcière lui dit que ça lui rappelle à elle-même, la sorcière, un bon souvenir… C’est tout. De la même manière, le nom de Blanche-Neige ne vient pas d’une caractéristique propre au personnage choisie par le conteur pour symboliser son immaculée innocence naturelle, mais n’est que l’effet d’un événement météorologique le jour de sa naissance.
Cette parole que l’on peut entendre dans le film de « croire en soi-même » est le même discours qu’a tenu Rachel Zegler dans l’interview de 2022 pour extratv:
- Rachel Zegler : It's really not about the love story at all which is really really wonderful […] it's an inner journey that she goes on to find her true self »
C’est à dire :
On retrouve donc à la fois dans la communication de Rachel Zegler en tant que porte-parole officielle de Disney en 2022 ainsi que dans le film finalement publié en 2025 le même discours new-age de « croire en soi » et de « trouver son vrai soi », ainsi que l’insistance sur le fait qu’il serait merveilleux que le nouveau film ne soit pas une histoire d’amour.
Cela fait longtemps qu’un certain clergé et certains laïcs ont fait de ces idées leur nouvel évangile. Ces personnes s’affairent à tenter de rendre belle l’Église par eux-même en cachant sous le tapis leurs turpitudes, alors qu’ils doivent accepter d’être vulnérables, accepter d’avoir fait le mal, demander pardon, accepter d’être sauvé et donc d’être emmené au désert pour reconnaître leur faute. Ils oublient que c’est le Christ qui les sauve et qui rend belle l’Église.
Le clergé doit pourtant cesser de nous enseigner que l’Église « ne sera pas sauvée par le prince », « qu’elle ne rêve plus de l’amour vrai », et « qu’elle rêve plutôt de devenir une leader ». Ce nouveau film Blanche-Neige avec ses échecs est une allégorie de l’Église catholique qui a renoncé à son évangile et qui professe de nouvelles croyances.
Pour ceux qui souhaitent approfondir ce sujet des doctrines managériales païennes dans l’Église, je vous recommande en particulier l’article « Talenthéo : l’entrée du coaching dans l’Église » sur le site sosdiscernement.org dédié à l’analyse des nouvelles croyances. C’est un article du père Dominique Auzenet et de son équipe, je peux notamment citer ces paragraphes :
Nous y retrouvons dans cette inversion la doctrine du coup d’État portée par le nouveau film Blanche-Neige, ainsi que la pensée new-age du voyage intérieur pour trouver son vrai soi en partant de l’extérieur vers l’intérieur, contraire à la doctrine de l’Évangélisation de l’Église catholique.
L’article continue ainsi :
Car il faut que l’Église aille avec le Christ, au désert, et alors seulement l’Église peut remonter du désert appuyée sur son bien-aimé.
Aujourd’hui l’Église aime bien flatter nos sens en nous faisant méditer cette parole du livre d’Osée au chapitre 2 : « je te fiancerai à moi dans la fidélité et la tendresse », en omettant les versets qui précèdent immédiatement cette parole :
Il n’y a de fiançailles dans la fidélité et la tendresse que pour celui qui renonce à ses prostitutions, qui désire être sauvé, qui désire l’amour vrai, et qui va au désert avec le Christ.
Ce texte du livre d’Osée a au moins 2700 ans. Quand Rachel Zegler parle, exprimant une pensée nourrie par d’autres personnes de son milieu professionnel et social, elle insiste sur le fait que le premier dessin animé était très daté et qu’on voit bien qu’il a été produit dans les années 30.
- Rachel Zegler : You know, the original cartoon came out in 1937 and very evidently so.
Je traduis : « Vous savez, le dessin animé original est sorti en 1937 et ça se voit beaucoup ».
Alors certainement qu’il y a des choses dans le film de 1937 que certains pourraient qualifier de daté de cette époque, notamment dans sa réalisation, ce qui fait aussi son charme. Mais Rachel Zegler ne dit pas que le film est daté à cause de cela. Son opposition se fait sur des points qui ne datent pas des années 1930. Ce fond culturel qui nourrit ce désir de salut et ce désir d’amour vrai qu’elle dénonce, ce n’est pas une mode du début du 20e siècle. C’est un fond culturel extrêmement profond qui est à la racine de notre civilisation depuis plus de 2700 ans. Quand Rachel Zegler dit que c’est daté de 1937, elle témoigne que l’industrie cinématographique dans laquelle elle évolue, les comédiens, les producteurs, les techniciens, les scénaristes, les financeurs trouvent leur complaisance et leur fierté dans une amnésie extrême. Ils seraient là à prétendre mieux savoir tout en révélant qu’ils n’ont pas de mémoire et qu’ils ne comprennent même plus le langage de leurs propres parents. Ils emploient des mots dont ils ne comprennent pas le sens. Ils se tiennent sur les plus hauts sommets de la production cinématographique, et ils n’ont même pas les codes du récit, ou plutôt, ils les refusent.
Et c’est très important de mentionner que ce n’est pas Rachel Zegler le problème. On voit aujourd’hui énormément d’articles qui se focalisent sur Rachel Zegler comme si elle était la cause de cet échec, comme si Disney était la victime de Rachel Zegler, prétendant que Rachel Zegler est la cause de l’échec du nouveau film Blanche-Neige. Si Rachel Zegler a tout à fait assumé les rôles qu’il lui étaient donnés de jouer à la fois dans le film, et en dehors du film, ces rôles lui ont été donnés par Disney. Comme on l’a vu au début de la vidéo, l’actrice Gal Gadot qui joue la reine a tenu exactement le même discours que Rachel Zegler, elle a même dirigé Rachel Zegler dans ce discours. Le fait que Rachel Zegler ait été plus entendue que Gal Gadot est nécessairement une volonté de Disney. Ce discours de Rachel Zegler est nécessairement une volonté de Disney. Disney a tout intérêt à se servir de Rachel Zegler comme bouc émissaire pour se remettre de ce désastre, mais Rachel a été mise en avant par Disney pour porter ce discours. Disney a réalisé et produit le film qui porte ce discours.
- Rachel Zegler : I just mean that it's no longer 1937 and we absolutely wrote a Snow White that is…
- Gal Gadot : …not gonna be saved by the prince.
- Rachel Zegler : Ya, She's not going to be saved by the prince and she's not gonna be dreaming about true love. She's dreaming about becoming the leader she knows she can be.
Ce n’est pas Rachel Zegler qui a écrit ce scénario, ni elle ni Gal Gadot qui a écrit ce qui devait être répondu au journaliste. Les connaissent leur texte. Elles récitent leur texte, y compris en dehors du film.
Cette façon de se servir de personnes comme fusibles dans une stratégie de communication pour sauver les meubles, ce que certains appellent du “dammage control”, est aussi quelque chose que l’on voit dans certains diocèses lorsqu’ils tentent de dissimuler les échecs d’une direction ayant appliqué des doctrines managériales toxiques les ayant conduits à la ruine. On a par exemple vu des diocèses s’épandre dans la presse en prétendant poursuivre des collaborateurs, ou renouveler frénétiquement un même poste jusqu’à voir se succéder à ce même poste cinq personnes en trois ans, révélant que le problème vient en fait des ordres donnés par l’échelon hiérarchique supérieur.
Un autre article que je vous recommande au sujet de cette idéologie managériale est l’article « De l’Église managériale : les ressources humaines », sur le site leglaivedelacolombe.fr, écrit par un autre prêtre.
Je vous cite deux paragraphes de cet article qui parle précisément de cette ambition de leader dont parle Rachel Zegler et qui est portée par un certain clergé aujourd’hui :
Je m’interrompt dans cette citation pour souligner l’emphase présente dans l’article sur le mot « projet », vous connaissez cette expression : « c’est notre projet ». Je poursuis :
Nous sommes désormais très loin de ce modèle écclésial d’une union parfaite entre un homme et une femme libre. Nous sommes très loin de ce désir d’amour véritable et du désir de salut. Les notions de conversion et d’humilité sont désormais totalement absentes dans ces doctrines mises en œuvres dans certains diocèses et communautés religieuses.
Nous pouvons reconnaître dans ces ambitions contemporaines de l’Église ce même discours qui manifeste l’idéologie qui a nourrit les équipes de Disney lors de la production de ce nouveau film Blanche-Neige : le renoncement au désir du salut, le renoncement au désir d’amour vrai, au profit d’une ambition de leader qui n’a pas d’autre horizon que de se retrouver seul. Et la prophétie d’Ézéchiel nous rappelle que la conséquence inévitable de suivre ces idéologies, c’est la ruine, c’est la mort, c’est qu’on en vient à tuer ses propres enfants.
Le nouveau testament nous parle de Rachel qui pleure ses enfants, mais avec le nouveau Blanche-Neige, c’est Rachel qui glorifie l’orgueil de Jérusalem qui tue ses enfants. Et Le clergé catholique, lorsqu’il s’entiche de ces mêmes idéologies, ne peut promettre que les mêmes effets.
Je vous recommande également un autre article écrit par une contributrice du site leglaivedelacolombe.fr intitulé « De l’Église managériale : la vie consacrée féminine » qui traite en particulier de certaines errances, notamment autour de ces pensées new-age constitutives de cette réinvention du « leadership féminin » dans l’Église et la « ferveur volontariste [de] la vision « prophétique et missionnaire » de l’Eglise managériale ».
Quelques nouvelles de la chaîne.
En préparant cette vidéo je me suis rendu compte que la définition catholique de verbe aimer est absente du dictionnaire français. Aussi surpenant que cela puisse paraître, c’est vrai. Et donc si vous souhaitez une vidéo de ma part sur le sujet, n’hésitez pas à me le dire en commentaire. J’ai plus de sujets que de temps pour les écrire, donc n’hésitez pas à exprimer votre désir !
Blanche-Neige n’est pas le seul film qui développe la figure de Jérusalem au cinéma, j’aimerai également pouvoir produire une vidéo sur un Western très célèbre qui, parce qu’il s’adresse à un profil plus agé, peut se permettre d’explorer plus frontalement le thème de la prostituée qui va au désert et qui emmène l’humanité vers sa nouvelle cité.
Vous aurez remarqué que j’ai produit peu de vidéos ces derniers temps. Le développement de ma chaîne a été profondément entravé par Youtube pendant trois ans. Youtube ne montrait pas mes vidéos aux gens qui consultent sa plate-forme, mes seules vues venaient du bouche-à-oreille et de liens extérieurs : partages par mail, blogs et réseaux sociaux.
Je vous encourage à vous abonner, à parler de ma chaîne autour de vous, et à partager mes vidéos. Vous pouvez aussi vous abonner à mes réseaux sociaux pour être sûrs de ne rien manquer.
Si mes écrits vous plaisent ou vous intéressent et que vous souhaitez me voir écrire plus souvent, vous pouvez me faire un don sur ma page Tipeee. Si cette chaîne pouvait devenir rentable ne serait-ce que pour une émission régulière, cela m’aiderait à écrire ces articles et à produire ces vidéos. Le premier objectif est d’atteindre 1000 abonnés !
N’oubliez pas de vivre.