Posté par Thomas Debesse le 17/04/2014 à 20:38. Licence CC by-sa (copiez-moi !)
Pour ce carême, je vous avais proposé une chronique musicale (1, 2, 3) centrée sur la figure de Jérusalem et la langue hébraïque, mais je ne peux citer autant de fois le Cantique des cantiques sans vous recommander la bouleversante interprétation d’Irène Papas dans sa récitation du Cantique. Cette récitation était accompagnée par Vangelis pour l’album Rapsodies (l’année 1986 fut vraiment une année mémorable).
Si vous voulez bien vous déshabiller le cœur et déposer vos armes à l’entrée…
Embrasse-moi !
La langue grecque entretien un rapport privilégié avec la parole biblique, elle apporte souvent de précieuses précisions quand à l’interprétation que vivaient les croyants, éclairant le texte hébreu. Ainsi, quand Isaïe prophétise qu’une fille enfantera un fils, la septante précise la virginité de cette fille, démontrant de manière irrévocable que cette prophétie était interprétée ainsi avant la naissance du Messie. Concernant la relation que la Septante entretien avec le Cantique, on notera que l’inclusion du Cantique dans le canon hébraïque est postérieure à la venue du Messie, alors que l’inclusion dans la Septante la précède !
Et quand le grec insiste embrasse-moi, il soupire surtout aime-moi.
M’aimes-tu ?
Déjà Pierre renie son messie, mais s’il doit bâtir l’Église, bâtir Jérusalem, il devra répondre à deux questions. Lorsque la mort sera vaincue, il se verra poser celle-ci : « Pierre m’aimes-tu ? », et il devra se souvenir d’une autre : « Qui est celle qui remonte du désert appuyée sur son bien aimé ? ».
Au soir du jeudi saint, lorsque la montée vers Pâques entre dans son caractère tragique, je vous invite donc à réécouter le Cantique interprété par Irène Papas sur un accompagnement de Vangelis. Alors certes cette interprétation est en grec moderne, mais je ne peux vous laisser entrer dans le Triduum Pascal sans vous recommander ce troublant Άσμα ασμάτων (Ásma asmáto̱n) et son bouleversant Φίλα με, φίλα με. En fait, ne vivez pas, ne mourrez pas, ne ressuscitez pas sans l’avoir entendu…
Où donc s’en est-allé ton doux visage ?
Notre-Dame des douleurs, Osuna (Andalousie).
L’écoute de cet album vous donnera aussi l’occasion d’écouter une belle interprétation du O gliki mou ear, qui chante la douleur de la mère qui reçoit le corps mort de son fils. « Ω γλυκύ μου έαρ, γλυκύτατόν μου Τέκνον, πού έδυ σου το κάλλος », « Oh mon doux printemps, mon si doux enfant, où s'en est allée ta beauté »…
La langue latine a le Stabat mater dolorosa, la langue grecque a le O Gliki mou ear, et ce sont les mêmes larmes.