Lettre ouverte à Monsieur Bernard Boucault, préfet de police de Paris


Posté par Thomas Debesse le 16/04/2013 à 23:30. cc Licence CC by (copiez-moi !)

Le mardi 16 avril 2013.

Monsieur le Préfet.

Je lis à l'instant le communiqué de la préfecture de police¹ du lundi 15 avril 2013.

Dans ce communiqué, la préfecture évoque nombre de manifestations, rassemblements et déambulations sur la voie publique ayant eu lieu dans la ville de Paris. La préfecture dénombre, je cite, « depuis vendredi 12 avril au soir, 201 personnes ont été interpellées suite à leur participation à l’un de ces rassemblements. 68 ont été placées en garde à vue ».

Après cela, la préfecture de police appelle, je cite, « les dirigeants du collectif “La Manif Pour Tous” à la responsabilité ».

Monsieur, je suis citoyen français, domicilié en France, je suis majeur. Je suis civilement capable et responsable. Je tiens à vous avertir que le collectif « La Manif Pour Tous » n'est pas responsable de mes actes ni des actes de mes concitoyens.

Monsieur, je fais partie des personnes qui ont été interpellées alors que je déambulais sur la voie publique le 24 mars à Paris[, photographiant des citoyens assis devant vos CRS]. Si cela vous intéresse, je vous invite à regarder l'album photo de cette soirée que vous trouverez sur mon site internet².

Monsieur, j'en suis responsable. Comme beaucoup de citoyens français, je suis responsable de mes actes.

Le collectif « La Manif Pour Tous » n'est pas responsable de mes actes. Le collectif « La Manif Pour Tous » n'est pas papa-maman.

Monsieur le préfet. La rue est au peuple, et le peuple est à la rue.

Monsieur le préfet. Je profite de cette lettre pour vous faire part de mon étonnement suite à un récent fait divers auquel le communiqué de la préfecture de police fait allusion : 67 personnes ont été placées en garde à vue parce qu'elles comptaient dormir dans les rues de Paris.

Monsieur le préfet. Je connais les rues de Paris. J'y ai vécu. Je connais les rues de Paris, j'y ai dormi. J'ai dormi sur les quais de Seine au milieu des rats, j'ai dormi sur le parvis de Notre Dame, j'ai dormi place du Palais-Royal. Il y a là-bas une grille d'air chaud devant la sortie du métro. Vous y trouverez un de mes amis. J'ai monté la tente dans ces rues, j'ai parfois dormi avec mon blouson de cuir pour seule protection… et la présence de frères de rue. Certains de ces frères sont mort. Monsieur, on ne survit pas longtemps dans vos rues.

L'an dernier j'ai eu la joie de faire venir en France un garçon, il n'avait pas vu son père depuis 10 ans. Il l'a retrouvé au cimetière parisien de Thiais. Son père était mon ami. Quand il est mort, il a été enterré sous X et n'avait pour identité qu'une béatitude. Je connais la rue, je connais aussi les morts de la rue.

Monsieur le préfet, sous le pont Saint Michel vit un homme, il a 47 ans. Handicapé, il vit dans vos rues depuis 17 ans. Cet homme est citoyen français.

Monsieur le préfet, un ami que j'ai rencontré suite à son expulsion il y a 5 ans me racontait hier encore les agressions et les coups de matraques qu'il avait reçu dans vos rues.

Monsieur le préfet, dans vos rues on meurt. Monsieur le préfet, dans vos rues il faut craindre le vol, il faut craindre le viol, il faut craindre le meurtre, et il faut aussi craindre vos matraques.

Monsieur le préfet, la prochaine fois que vous verrez quelqu'un se coucher dans vos rues, demandez-vous pourquoi il prend ce risque, cherchez à savoir ce qui l'a amené là, comment il en est arrivé là, et ce que cela signifie.

Monsieur le préfet, on n'enseigne pas cela dans vos écoles, c'est la rue qui l'enseigne.

--
Thomas Debesse
Citoyen français

¹ http://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Actualites/Evenement/Communique-de-presse-Evenements-en-marge-de-la-manif-pour-tous
² https://illwieckz.net/journal/Rouges_Champs


Cette lettre ouverte peut être écoutée :


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