Survivance : Alors on danse ?


Posté par Thomas Debesse le 22/05/2016 à 21:46. cc Licence CC by (copiez-moi !)

Ce samedi matin au réveil, la première publicité qui m’a agressé dans mon lit fut une publicité pour les Survivants. En fait j’aime bien les survivants, c’est une bonne idée, une très bonne idée. Je connaissais déjà. Malheureusement, j’ai trouvé les termes de la publicité profondément inadaptés, et accessoirement, je vomis la publicité.

C’est bien dommage, car je regarde ce mouvement avec beaucoup de bienveillance. Ce billet n’est donc pas là pour cracher sur l’initiative, bien au contraire, mais pour identifier, j’espère de manière constructive, ce qui ne me semble pas approprié et qui pourrait donc être affiné et amélioré.

Événementiel

Agitation

J’ai trouvé les propos inadaptés, en fait, je les trouvais déjà inadaptés la première fois que j’ai vu une publication officielle des Survivants. Ce samedi matin, le message parlait de happening et présentait les survivants comme un « Mouvement d’actions événementielles ». À la lecture de ces mots j’ai ressenti un profond malaise, à cause de la confusion maladroite entre l’action et l’événementiel.

Les autres termes qui m’ont mis mal à l’aise furent ces termes là : « Étudiant ou jeune pro ? Affecté par l’IVG ? À la recherche d’émotions fortes ? ». Tout cela serait-il motivé par une recherche d’émotion forte ? Vraiment ?

Je trouve dramatique la désolation dans laquelle nous nous trouvons pour ne plus savoir faire autre chose que des « Happening ». Le happening est la forme la plus futile et inutile de l’activisme. L’activisme, c’est la confusion entre l’agitation et l’action. Le happening, c’est s’agiter soi-même pour soi-même afin de satisfaire d’abord son besoin d’émotion, en se donnant l’impression confortable d’avoir agit. Le happening, c’est rentrer chez soi satisfait de s’être agité en société avec des personnes que nous voulons d’accord avec nous. Le happening, c’est prétexter une bonne intention pour justifier notre agitation.

Cela me fait penser à ces bien mal nommées « Fash mobs » qui fleurissent partout au nom de tout et de rien, parfois maladroites, souvent ridicules. D’ailleurs, ces flash mobs n’ont souvent rien de spontané, et encore moins de flash mob, car le propre d’une flash mob est de fleurir au nom de rien du tout.

Il semble que tout le monde ait oublié ce qu’est une flash mob, pour cela, il faut remonter en 2003 ou 2004 avant que le phénomène ne soit dévoyé. Comme relaté dans cet article du Parisien de l’époque, une flash mob est « sans but politique ni mercantile, les mobs invitent les gens, via des messages Internet ou SMS, à se réunir dans Paris en participant à une action ludique dont les règles sont dévoilées à la dernière minute ».

Il s’agit d’anonymes qui profitent des moyens de communication modernes pour réaliser des performances aussi imprévues que fantaisistes : par exemple tourner autour d’un pot de fleur avec un parapluie à la main. Il s’agit d’ajouter de « l’ubuesque à la vie ». Avec l’essor des réseaux sociaux, on vit se développer de la même manière les « apéros Facebook ». Si l’on ne peut nier la convivialité de certaines de ces actions, elles n’ont jamais eu d’autres ambitions que le fun, et de se soumettre encore plus à la tyrannie du cool.

Aujourd’hui, le terme « flash mob » a remplacé le terme « chorégraphie » indépendamment de l’aspect imprévu, improvisé et de la méconnaissance supposée des participants, et surtout de son absurde. Et souvent aussi, le terme de flash mob remplace aujourd’hui celui d’« happening » dans le vocabulaire de l’activiste moderne : faire un sketch pour se faire voir, mais surtout, se regarder soi-même dans son agitation et sa suffisance.

Voici un exemple de ce que le Happening produit de plus futile :

Happening

Happening, Flash mob, Festivisme, on s’agite, on se satisfait, mais est-ce que cela apporte quelque chose à notre prochain autrement qu’à nous-même ? Cela me fait penser à ceux qui, voulant agir pour le climat, multiplient les mises-en-scènes, se font voir, publient leur égographies sur Twitter, et reviennent chez eux satisfaits de ce moment convivial partagé avec leurs pairs. Mais que reste-t-il ? Tout est dans la tête, c’est vrai, et ça n’en sort pas.

La condition de survivant

En fait j’abonde totalement dans l’idée des survivants de croquer la vie à pleine dent et de la vivre avec une joie entière. Mais je voudrais rappeler pourquoi nous avons besoin de joie, et quelle est cette joie.

Mon expérience de l’avortement s’est accompagnée du constat amère que même la mort n’est pas capable de taire la souffrance. Ainsi, même la fuite dans le suicide semble impossible, car même la mort n’est pas un néant suffisant. Mon expérience de l’avortement, c’est le constat de l’impuissance du suicide à libérer du mal, car c’est la découverte que même la mort n’est pas un néant assez grand.

Mon expérience de l’avortement c’est le constat que la mort ne peut atteindre que la vie, et que la mort est impuissante à rendre au néant ce qui a été. En ce sens, ce qui a été subsiste comme une réalité que rien ne peut détruire. Ni la mort ni l’oubli ne peuvent enlever à la réalité présente que la réalité fut. En ce sens, cette réalité est éternelle, et le drame est éternel.

Lorsque l’homme fait l’expérience de l’avortement et qu’il doit se résoudre à la mort de l’enfant, l’homme fait face à un néant indicible qui n’a pas de deuil. Il y a dans l’avortement un néant qui n’est pas la mort, et qui ne peut donc pas appeler sur lui le deuil ni les larmes. La détresse de l’homme face à l’avortement c’est aussi la découverte que même la mort n’a pas de prise sur la réalité, et que même le suicide n’a pas de prise sur la réalité de la souffrance.

Face au drame de l’avortement, je ne vis que parce que la mort est impuissante. En ce sens, la vie est plus amère que la mort, car la vie devient l’enfer de celui que la mort ne peut pas libérer. C’est en ce sens que je suis un survivant.

Alors, nous avons besoin de joie, et de paix, mais je veux loin de moi l’agitation, et loin de moi les illusions des lumières, des paillettes et des projecteurs, loin de moi la fuite, loin de moi l’amère et impuissante ivresse.

Festivisme

L’initiative des Survivants produit de bonnes choses, leur documentation du syndrome du survivant est très précieuse par exemple. J’ai apprécié d’entendre, pour la première fois, que la meilleure IVG est celle qu’on arrive à éviter. Mais la première chose qui m’avait dérangé dans la communication des Survivants fut le festivisme. La première vidéo, très juste par son propos, se termine par ces mots que je trouve malheureux :

« C’est un mouvement d’Agitprop qui va organiser des actions événementielles dans toutes les villes de France. Ces Happenings seront suivis à chaque fois par une grosse fête qui sera organisée dans un bar ou une boîte qu’on aura privatisé ».

Ce festivisme est celui remarquablement décrit par la chanson « Alors on danse » de Stromae :

« Alors on sort pour oublier tous les problèmes,
alors on danse.

Alors tu te dis que c’est fini, que pire que ça ce serait la mort,
quand tu crois enfin que tu t’en sors, quand y en a plus, et bien y en a encore.

Ça te prend les tripes ça te prend la tête, et puis tu prie pour que ça s’arrête,
mais c’est ton corps c’est pas le ciel, alors tu te bouches plus les oreilles.

Alors tu cries encore plus fort mais ça persiste,
alors on chante ».

La joie peut se trouver dans la fête, mais la joie de vivre et la fête ne se confondent pas. Par exemple dans la joie de vivre il y a la paix, et la fête n’est pas toujours une paix, et le festivisme n’est jamais une paix. La fête n’est pas toujours la joie, cela peut aussi être l’excitation, l’illusion et la fuite.

Le festivisme est la fête pour la fête, la fuite par l’excitation, la musique, les lumières et le rythme, où l’on se saoule de sensations pour oublier et taire en notre cœur et en notre conscience la réalité. Cette fuite, cette fête n'est finalement que la marque, inversée, de la souffrance qui s’imprime en nous toujours aussi profondément.

Je souscris sans hésiter à la célébration de la vie, mais je voudrais rappeler que si la programmation de BlackM a fait scandale pour la mémoire de Verdun, ce n’est pas d’abord à causes des revendications xénophobes, violentes et haineuses de BlacKM, mais pour son festivisme assumé, et qu’en ce sens, il s’était révélé inapte à conduire le deuil des morts, à célébrer la paix et la vie des vivants, à éveiller la joie des survivants.

Besoin de joie

Survivants

À la fin de la grande guerre, quand le dernier obus est tombé sur Verdun, la France n’était peuplée que de survivants d’une boucherie incroyable. Nous sommes déjà, par là, des survivants. Mais une boucherie plus incroyable encore se perpétue dans nos familles. Ce sont des fils d’ouvriers, de philosophes et de paysans qui tombent encore dans une boucherie incroyable. Ce sont nos frères qui tombent, et nous sommes des survivants. Alors nous avons besoin de joie pour conduire le deuil et célébrer la vie des vivants.

Il ne suffit plus de communier ensemble dans notre humanité désenchantée, la société en a déjà produit les lieux, les moments et les fêtes, ce qui nous manque n’est pas la fête ni les concerts, mais la joie.

Je suis un survivant, et j’ai besoin de joie. J’ai besoin d’une vraie joie, j’ai besoin de la joie du pardon et de la réconciliation. Je ne suis pas seulement un survivant, je suis un ressuscité, et c’est à cette joie que je veux être invité.

Savez-vous qu’il est possible de se rendre participant aujourd’hui et ici-bas, avec le Père, à la résurrection de celui qui est mort ? Il suffit d’adresser à celui qui est mort les mots de la résurrection, il suffit de les prononcer avec le Père et dans la communion des saints. Ressusciter les vivants et les morts, voici la vraie joie.

Vous avez ce pouvoir, voici ces mots, adressez-les à celui qui est mort, et prononcez-les avec le Père, et dans la communion des saints vous serez présent aujourd’hui et ici bas à sa résurrection, vous serez acteur de la résurrection de celui que vous appelez à la vie. Voici ces mots :

« Vis dans ton sang »


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