Nous saurons ce que vaut sa douceur


Posté par Thomas Debesse le 20/03/2015 à 23:57. cc Licence CC by (copiez-moi !)

Après la pluie
Feodor Vasilyev, Après la pluie (détail).

Sagesse

La journée de la trisomie 21 c’est ce 21 mars, mais la liturgie de la vigile est particulièrement appropriée :

« Il prétend posséder la connaissance de Dieu,
et se nomme lui-même enfant du Seigneur.
Il est un démenti pour nos idées,
sa seule présence nous pèse ;
car il mène une vie en dehors du commun,
sa conduite est étrange. »

« Voyons si ses paroles sont vraies,
regardons comment il en sortira. »

« Soumettons-le à des outrages et à des tourments ;
nous saurons ce que vaut sa douceur,
nous éprouverons sa patience.
Condamnons-le à une mort infâme,
puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui. » -- Sagesse 2

La trisomie fait partie de ces maladies prophétiques devant laquelle l’homme échoue à observer le commandement divin : « tu enlèveras le mal d’au dedans de toi », car le mal est si bien tissé dans son être que l’homme ne peut ôter le mal sans ôter l’être, et ainsi, l’homme se découvre incapable de se guérir lui-même, et découvre que seule une re-création lui permet à la fois de guérir, et de vivre.

Ainsi reprend la liturgie du 21 mars :

« Coupons l’arbre à la racine, retranchons-le de la terre des vivants, afin qu’on oublie jusqu’à son nom. » -- Jérémie 11

Avec 90% d’élimination physique, nos pays peuvent se féliciter d’avoir pratiquement éradiqué la population porteuse de trisomie, à défaut de savoir traiter la maladie. En France, lorsque cette maladie est dépistée chez un patient en premier âge, l’élimination est automatiquement programmée, c’est aux parents de prendre rendez-vous pour s’y opposer. Et si notre société ne supporte plus la différence et ne tolère ceux qui ne satisfont pas ses exigences d’hyper-efficacité, il y a pire qu’être différent : être en vie.

« Seigneur mon Dieu, tu es mon refuge !
On me poursuit : sauve-moi, délivre-moi !
Sinon ils vont m’égorger, tous ces fauves,
me déchirer, sans que personne ne me délivre.
Juge-moi, Seigneur, sur ma justice :
mon innocence parle pour moi. » -- Psaume 7

La société ampute l’individu, mais la mort est toujours un échec. Lorsqu’une société se résout à la mort d’un seul de ses membres, elle reconnaît par là son incapacité à protéger chacun de ses membres et à se protéger comme société.

Il n’est pas question de peine ici, l’exécuté est par nature innocent : dès lors que l’on ne doute pas de sa conscience, c’est à dire, de sa capacité à la culpabilité, la vie de l’homme est sauve.

« Serais- tu, toi aussi, de Galilée ? Cherche bien, et tu verras que jamais aucun prophète ne surgit de Galilée ! » -- Jean 7

La trisomie est de ces territoires d’où personne n’attend rien, mais malgré les apparences, elle n’est peuplée que de prophètes !

Enfantement

Le jour où l’épouse reçoit l’époux, le jour où l’époux reçoit l’épouse, aucun des deux ne mesure pleinement combien il devra être capable de redécouvrir l’autre dans sa maladie, dans sa vieillesse et dans son infirmité.

Voilà que le jeune homme épouse la jeune femme, mais il découvrira qu’il lui faudra être capable d’être bouleversé plus profondément encore que ne peut le bouleverser sa passion : le corps et l’esprit ne sont pas immortels, et il faudra apprendre à aimer celui que le temps et la maladie ont ravagé.

Et voilà encore que la femme enfante, la femme crie sa propre mort, l’enfant naît à un monde nouveau, et l’homme voit le sien s’écrouler… Lorsque l’époux reçoit l’épouse et que l’épouse reçoit l’époux, ils ne mesurent pleinement combien ils devront être capable d’être bouleversé pour cet enfant encore plus profondément que l’ardeur qui les consume l’un à l’autre. Adam s’écrie « ceci est la chair de ma chair » alors qu’il rencontre Êve, mais c’est sa propre image qu’il retrouve en son fils. L’amour de la mère pour son fils ne sera pas l’amour de l’épouse pour son époux, mais s’ils diffèrent en nature, nul ne peut dire lequel est le plus grand, et lequel lui causera le plus de tourments. La souffrance de la veuve est inconsolable, mais rien ne surpasse les larmes de la stabat mater qui pleure son enfant

« Votre frère ressuscitera. Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra ; Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra point pour toujours. » -- Jean 11

L’épouse reçoit l’époux, et la mère reçoit l’enfant. Alors la mère dit à l’enfant : « Je t’accepte dans tout ce que tu es, ta jeunesse, ton innocence, ta joie, ta vulnérabilité, ton amour, ton affection, mais aussi tes peines, ta maladie, ta vieillesse, ton infirmité et ta mort. Cher enfant, reçois ta mère ainsi : reçois ma jeunesse et mon inexpérience, reçois ma joie, mon amour, mes soins, mais aussi, reçois moi dans mes peines, ma maladie, ma vieillesse, mon infirmité et ma mort. Cher enfant, il faudra que tu apprennes à me voir ravagée par le temps, je perdrais sûrement un jour la mémoire, ma raison et ma parole, et c’est ma propre incontinence que tu devras embrasser. Reçois ton père de même. »

Alors l’enfant, abandonné par ses parents, baignant dans son sang à la face des champs, se retrouve au jour de sa naissance, ressuscité. «Vis dans ton sang » crie le Père, et voici que le nouvel Adam épouse la nouvelle Jérusalem en proclamant « Ceci est mon corps » -- Ézéchiel 16, Marc 14.

Voici la prophétie que proclament, dans leur corps, cette lignée de prophètes que nous fêtons le 21 mars, et voici ce qu’elle prophétise : « Réjouis-toi, car je suis le signe de ta résurrection ! Réjouis-toi, car tu peux dès aujourd’hui participer à ma propre résurrection. Prononce avec le Père ces mots à mon intention : “Vis dans ton sang” et je vivrais, recréé. »

« Chère mère, dans la communion des saints tu vis aujourd’hui ma naissance, ma vie et ma mort, mais tu vis aussi ma résurrection. Si tu me pleures déjà, et si tu me demandes déjà pardon, sache que nous sommes déjà réconciliés : prononce pour moi, avec le Père, ces mots : “Vis dans ton sang”, je les ai déjà prononcé, avec le Père, pour toi. Chère mère, je t’offre la vie, et je te reçois. »


Addendum par Thomas Debesse le 21/03/2015 à 00:03.

Lorsque vous lirez ces mots, nous serons déjà le 21 mars, et je ne peux que vous conseiller de méditer également les lectures de la liturgie tridentine du 20 et 21 mars.

« Cieux, poussez des cris de joie ! terre, tressaille ! Montagnes, éclatez en cris joyeux ! » -- Isaïe 49

« Voici que ton fils est vivant. » -- Rois 17


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