Sommes-nous tous Nazaréens ?


Posté par Thomas Debesse le 26/09/2014 à 23:47. cc Licence CC by (copiez-moi !)

Manifestations de soutien aux Chrétiens d’orient

Alors que l’organisation terroriste autoproclamée « État islamique » s’avançait de Syrie en Irak, et que de nombreux chrétiens quittaient une des plus vieilles villes chrétiennes au monde, une minorité brimée s’inquiète d’une autre minorité persécutée. On voit ainsi poindre en de nombreux endroits de multiples petites manifestations, comme sur ces photos prises à Toulouse le 18 août dernier.

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Manifestation à Toulouse de soutien aux chrétiens persécutés, le 12 août 2014

Cette manifestation est significative, en fait il y a en France un grand nombre d’initiatives comme celle-ci, la plus grosse ayant eu lieu ce week-end et ayant réuni un millier de manifestants à Paris. Cela se passe toujours de la même manière : quelques centaines de personnes, aucune couverture médiatique, une représentation confidentielle, et des passants qui ne savent pas quel est le sujet…

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Certains passants s’arrêtent intrigués, posent des questions… ils sont une poignée.

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D’autres passent, ne comprennent pas, ne veulent pas comprendre. « Ce sont des illuminatis » dit un homme très sûr de lui à un autre, en traversant la place.

Quelques jeunes d’origine maghrébine passent et l’un d’eux s’exclame avec dégoût « Ce sont des juifs ! » avant de s’éloigner tous ensemble.

En fait ces incompréhensions sont peut-être le meilleur témoignage du drame qui se joue.

Les formes de la mobilisation chrétienne, la reconstruction

La petitesse de ces manifestations peu surprendre, surtout quand on les compare aux mobilisations monstre de la Manif Pour Tous. En fait il est assez significatif de constater que sur cet autre sujet, selon les jeux de pouvoir que permet notre système de gouvernance, aucune initiative politique n’avait porté de fruit. Puisque l’organe gouvernemental était muet, la voix d’un peuple en masse semblait alors le dernier recours, d’où la mobilisation énorme, mais qui fut tout autant baillonnée.

Pour le cas des chrétiens d’Orient, la situation est différente. Certes le gouvernement français est un grand muet, mais beaucoup de choses peuvent être faites sans lui. On a donc surtout affaire à une mobilisation très active et discrète, la France étant très engagée dans des organisations comme l’Aide à l’Église en Détresse ou l’Œuvre d’Orient. Plutôt que des manifs et des cris, on citera plutôt les initiatives de Fraternité en Irak et de SOS Chrétiens d’Orient et les mission Pâques en Irak et Noël en Syrie.

Ces initiatives n’ont pas de grands moyens, mais elles donnent le maximum. On peut comparer par exemple les 4 tonnes de matériel acheminée en Syrie par SOS Chrétiens d’Orient à Noël avec les 15 tonnes d’aide humanitaire envoyées par le gouvernement en Irak. Les moyens de l’État français sont sans commune mesure avec ceux d’SOS Chrétiens d’Orient, et en comparaison des investissements, l’aide gouvernementale ressemble à une blague.

Ainsi, dans Maaloula en Syrie, un village multimillénaire à majorité chrétienne qui parle encore araméen, l’initiative Une église pour Maaloula restaurent les églises.

Ainsi agissent les chrétiens : « Ils détruisent, nous reconstruisons ».

Sommes nous tous Nazaréens ?

En quelques jours, un symbole complètement inconnu de l’occident est devenu un symbole identitaire fort : le « Nūn », « ن » l’équivalent de la lettre latine « N » en arabe.

C’est un symbole aussi fort qu’il est incompréhensible…

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À la sortie d’une messe en paroisse, vente de T-Shirt « Nūn » au bénéfice de l’Aide à l’Église en Détresse

Ce symbole a surgit comme un réappropriation d’un signe de persécution, lorsque les djihadistes peignaient à Mossoul cette marque en rouge sur les murs des maisons des chrétiens à exproprier et abattre. Ce signe était un ultimatum : l’habitant chrétien devait alors se convertir, fuir ou mourir (ou bien acheter sa survie, mais vu le déroulé des événements, cela signifie l’esclavage). Ce fut la fuite et pour beaucoup, la fuite et la mort.

Certains disent « Nous sommes tous Chrétiens d’Orient » pour marquer leur solidarité avec ces martyres, et d’autres osent « Nous sommes tous Nazaréens », mais cela a-t-il le même sens ?

« N » pour « Nazaréen », dit-on, mais que signifie ce signe et que signifie cette appellation ? Pour un chrétien, « Nazaréen » semble désigner directement le Christ ou l’un de ses disciples.

Pourtant ce n’est pas ici le sens de ce mot.

Historiquement, l’islam est né dans un vivier multiculturel, mêlé de polythéismes, de judaïsme et de christianisme. L’islam est né au contact d’une secte chrétienne aujourd’hui éteinte qui se faisait appeler les Nazôréens.

En ce sens, la définition islamique de ce terme diffère d’une définition chrétienne ou juive. De plus c’est un mot coranique, et donc, un mot arrêté. Il désigne une secte éteinte et une théologie qui n’est plus professée.

Ainsi on ne peut pas comparer le nūn au poisson des chrétiens des premiers siècles, car le poisson était un symbole d’initiative chrétienne. Le mot Ichtus (ἰχθύς), poisson en grec, est un acrostiche du nom de Jésus et les chrétiens utilisaient ce symbole pour se reconnaître entre eux. De plus, le poisson a servi comme code secret (et donc inconnu du bourreau) pour permettre aux chrétiens de se reconnaître en temps de persécution, alors qu’ici, puisque le nūn est le symbole imposé par le bourreau, il est donc connu et choisi par lui. Le nūn est une marque que le bourreau appose à la victime, et ce n’est pas un symbole chrétien.

On ne peut pas non plus comparer le nūn à l’étoile de David que portaient les juifs pendant les persécutions nazies. Car si dans ce cas c’est aussi le bourreau qui a l’initiative et qui marque ainsi sa victime pour la reconnaître, c’est un symbole qui appartient préalablement à la victime.

Le nūn est le signe qu’utilise le bourreau pour désigner sa victime, et le nūn n’est pas un symbole chrétien, c’est un symbole coranique. C’est pourquoi, au premier abord, il peut sembler inapproprié pour un chrétien de se définir selon l’islam, de se marquer d’un symbole coranique, qui plus est, faux.

Un chrétien peut-il se définir selon des termes coraniques ?

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Une femme chrétienne porte le nūn lors d’une manifestation

D’ordinaire, il est vivement recommandé aux chrétiens de ne pas reprendre à leur compte le langage coranique, car le christianisme et l’islam possèdent un langage commun mais dont les définitions s’excluent mutuellement.

Par exemple il est extrêmement dangereux qu’un chrétien parle du christianisme comme une « religion du livre », ou de parler des « trois religions du livre », expression qui inclut le christianisme, car ce n’est pas une définition chrétienne, et cette définition est même antichrétienne. En effet, cette définition est une définition selon la théologie islamique d’un coran incréé. Ainsi, lorsqu’un musulman parle du christianisme comme une « religion du livre », il parle d’une « religion du coran », dans le sens d’une religion appartenant à la révélation coranique. Cela signifie que c’est une religion imparfaite qui ne trouve son accomplissement et sa perfection que dans l’islam.

Lorsqu’un chrétien utilise le terme de « religion du livre » pour décrire le christianisme, il pose un acte de foi islamique, se déclarant lui-même en chemin de conversion vers l’islam. Il professe aussi plusieurs autres hérésies : il nie le fait que le christianisme soit une religion du Verbe Incarné, une religion de Parole et de Création. Contrairement au coran, les livres bibliques ne sont que des recueils de paroles de Révélation, avec les imperfections des rédacteurs et de leurs traducteurs, alors que l’islam est une religion d’un livre incréé et arrêté. Ces distinctions sont fondamentales, c’est pourquoi une phrase simple et apparemment anodine comme celle-ci peut cacher des implications graves.

Un autre exemple de propos qui ne peut être repris est l’expression «  Allah U akhbar » que beaucoup de chrétiens comprennent dans le sens « Dieu est grand », ce qui est faux. Cette expression semble au premier abord universelle à toute foi, exprimant la grandeur de la divinité. Ce ne serait qu’une simple question de langue, de traduction, pas seulement. Cette expression a une valeur superlative et est prononcée de manière suprémaciste : « Allah » (ce dieu désigné) « est le plus grand » (plus grand que les autres). Il ne s’agit pas ici de comprendre le terme « Allah » comme un nom commun désignant une divinité à découvrir dans un mystère, il s’agit d’un nom propre, une désignation.

Il y a ici confrontation de plusieurs perceptions d’un Dieu unique, et cette expression déplace cette comparaison de perception en comparaison de Dieu lui même, compare des divinités et donc des idoles. Quand un musulman dit « Allah U akhbar » il ne dit pas « La Divinité est grande », il dit « Mon dieu est plus grand que les autres », Le plus grave n’est pas cette opposition au christianisme, c’est que ce propos s’inscrit dans une dialectique de comparaison d’idoles et un chrétien ne peut pas faire sien ce discours sans, là aussi, prononcer un acte de foi islamique et s’inscrire dans une démarche idolâtre.

Il ne s’agit pas de dire « Dieu est grand », par rapport à l’homme par exemple, mais « dieu est grand », par rapport à Dieu.

Parce qu’elle est fondée sur une comparaison de divinité, cette affirmation décrit moins la grandeur de Dieu que la valeur comparée de cette grandeur, l’expression «  Allah U akhbar » nourrit l’idolâtrie et le polythéisme.

Un chrétien peut-il se désigner selon le nūn ?

Après deux exemples de ce type, qu’en est-il du nūn, autre définition coranique ?

Le nūn est donc l’initiale du qualificatif « nazaréen », terme utilisé dans le coran pour désigner les croyants d’une secte chrétienne éteinte des premiers siècles. En ce sens, les chrétiens persécutés en Irak ne sont pas des nazaréens selon le coran.

Lorsqu’un chrétien reprend à son compte l’expression «nous sommes tous nazaréens», il répète en fait le langage et l’erreur du coran, qui, lors de la fondation de l’islam, avait pour principal contact chrétien une secte dite « nazaréenne ». Le coran désigne donc les chrétiens par ce biais, selon l’erreur d’appréciation qu’ont fait le ou les rédacteurs du coran en fonction de la réalité géopolitique de l’époque, un chrétien peut-il faire sien ce terme ?

Il est intéressant de noter que les marques que font les islamistes sur les maisons des chrétiens à abattre sont des marques qui remettent en cause le caractère incréé du coran, car ces marques témoignent de l’enfermement du coran dans une temporalité éteinte.

Un chrétien peut-il donc porter lui-même, comme fierté, comme signe de reconnaissance, un signe ségrégationniste décidé par ses bourreaux ? Un chrétien peut-il porter sur lui un signe qui témoigne d’une erreur historique, d’une contradiction théologique, et qui lui attribue des hérésies qu’il ne professe pas ?

Les chrétiens portent le nūn pour se réapproprier le symbole et le transformer en fierté plutôt qu’en condamnation, et témoigner de leur fidélité dans l’épreuve, et c’est un témoignage de vie qui illustre bien la parole de l’apôtre :

« C’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les détresses, pour le Christ ; car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » -- 2 Corinthiens 12:10

Mais ce n’est pas suffisant pour permettre le port de ce signe.

D’abord, le nūn peut aussi tenir le rôle de stigmate. Le nūn scandaleux peut être porté de la même manière que la croix est portée par les chrétiens. La croix, symbole de mort et de supplice par excellence est devenue, par la mort et la résurrection du Christ par cette croix, le symbole de la résurrection.

On peut aussi le comparer à l’image du serpent d’airain de l’Ancien Testament lors de la traversée du désert. Ce serpent d’airain représentait par sa forme l’animal au poison mortel, la menace, mais il témoignait surtout, par sa réalisation, de l’obéissance à un ordre divin, et lorsqu’un homme le regardait, la cause d’un acte de foi, et un espoir.

Le serpent d‘airain possède les formes d’un rituel païen, comme le nūn, et pourtant la vie est passée par lui, comme la vie passe par la croix.

Cette raison se tient théologiquement, elle est suffisante pour donner à l’homme le courage de porter cet insigne de persécuté car il peut y voir une image de la croix que le Christ reçoit de son bourreau.

Mais il y a encore une dernière raison, celle qui fait du chrétien un témoin.

Ce qui explique qu’un chrétien puisse porter le nūn accusateur, c’est que par ce signe il témoigne de l’accusation et de la condamnation qui est faite contre lui. Lorsqu’un chrétien porte le nūn, il témoigne « je suis déjà mort ». Le nūn est la proclamation publique d’une condamnation à mort. Chaque chrétien est, en quelque lieu qu’il soit, le nazaréen de quelqu’un, c’est à dire un homme à abattre.

C’est pourquoi il est très important que les chrétiens portent ce signe, et même en France, car ainsi ils témoignent de cette réalité : même en France, à l’image des chrétiens d’orient, le chrétien est une cible pour l’islam.

Porter le nūn ne signifie pas « je suis moi aussi un chrétien d’orient » mais signifie « je suis moi aussi une cible pour l’islam ».

Porter le nūn c’est révéler une contradiction du coran et mettre en échec l’Islam, porter le nūn c’est retrouver le Christ qui transfigure les stigmates de la persécution.

Le nūn est un signal d’alarme, porter le nūn c’est témoigner au monde : « je suis déjà condamné à mort ».

Le nūn est donc aussi un signe de miséricorde, car lorsque le chrétien se désigne lui-même comme victime, il pose au bourreau un ultimatum : « je suis disponible, tu peux frapper ou te convertir ».

Lorsque le chrétien tend l’autre joue (Mat 5:39), ce n’est pas par masochisme, c’est parce qu’après le coup reçu, il redonne à son bourreau l’occasion de retenir la main qui va le frapper : « Tu m’as frappé et je pourrais te haïr pour ça, mais à la place je te donne l’occasion de te convertir. J’ai une tellement grande estime de toi que je te donne la chance de montrer la bonté dont tu es capable, et je suis prêt à risquer ma vie pour te proposer ce choix ».

Le bourreau a alors le choix entre la violence de la miséricorde, ou la faiblesse de sa haine.

Les Actes des apôtres au secours du coran

Je suis celui que tu persécutes

On ne pourrait écrire sur le mot « Nazaréen » sans évoquer le sens de cet adjectif qu’emploie Jésus lui-même pour se désigner à Saul (Paul) dans les actes des apôtres (22:8), avant qu’il ne se convertisse et alors qu’il est en chemin pour tuer des chrétiens :

« Je suis le nazaréen, celui que tu persécutes. »

Pour qu’un musulman ne soit pas en contradiction avec le coran en nommant « nazaréen » le chrétien qu’il persécute, il doit éclairer sa lecture du coran à la lumière des actes des apôtres :

« J’ai reçu une éducation strictement conforme à la Loi de nos pères ; j’avais pour Dieu une ardeur jalouse, comme vous tous aujourd’hui. J’ai persécuté à mort ceux qui suivent le Chemin du Seigneur Jésus ; j’arrêtais hommes et femmes, et les jetais en prison ; […] je devais ramener à Jérusalem, ceux de là-bas, enchaînés, pour qu’ils subissent leur châtiment. […] Soudain vers midi, une grande lumière venant du ciel m’enveloppa de sa clarté. Je tombai sur le sol, et j’entendis une voix me dire : “ Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? ”. Et moi je répondis : “ Qui es-tu, Seigneur ? ”.

“ Je suis Jésus le nazaréen, celui que tu persécutes. ” »

Le musulman doit lire le coran à la lumière du nouveau testament pour pouvoir en saisir le sens :

Descente aux enfers

Les chrétiens n’ont pas attendu la prise de Mossoul pour manifester, en témoigne par exemple la manifestation de soutien aux chrétiens persécutés que j’avais photographié en janvier dernier à Toulon.

Manifestation à Toulon de soutien aux chrétiens persécutés
Manifestation à Toulon de soutien aux chrétiens persécutés, le 25 janvier 2014

Le père Anis Hanna avait rappelé l’attentat de la cathédrale Notre Dame du perpétuel Secours (Sayidat al-Najat) des syriaques catholiques à Bagdad. Alors qu’on plaint aujourd’hui la prise de Mossoul par les djihadistes, on a déjà oublié que cela fait six ans que l’archevêque chaldéen de Mossoul, Monseigneur Faraj Rahho, a été assassiné.

Ce sont des proches de Monseigneur Faraj Rahho qui avaient alors récité un Notre-Père en arabe, à l’intention des musulmans qui persécutent les chrétiens.


Le Notre-Père, vous pouvez télécharger cet extrait audio en vorbis, en mp3 ou en flac.

Depuis 6 ans la situation s’est bien évidemment dégradée… Les chrétiens sont chassés de chez eux après une présence millénaire, vendus ou tués.

La persécution rejoint désormais les confessions musulmanes chihites ainsi que les yézidis, ainsi les survivants témoignent : « Les jolies femmes ont été vendues entre quinze et vingt-cinq dollars chacune. Ils vendent les femmes comme des animaux. Les femmes ont été éventrées et les enfants décapités. Le sang coulait comme une rivière ».

Le 28 juillet, l’Aide à l’Église en détresse rapportait qu’il n’y avait plus que des habitants de confession sunnites à Mossoul, car les chiites avaient fuit tout comme les chrétiens, de peur d’être massacrés. L’AED rapportait aussi que de nombreuses familles musulmanes quittent la ville pour fuir la charia.

Les paroisses françaises n’ont pas attendu cet été pour accueillir des réfugiés irakiens, mais s’il faut pouvoir accueillir ceux qui fuient la mort, il faut surtout travailler à ce que personne n’ait à quitter son pays.

Cette manifestation en janvier se voulait un soutien aux chrétiens persécutés, et pas seulement irakiens… Au premier semestre 2014 seulement, ce sont 1631 chrétiens qui ont été assassinés au Nigéria, qu’il faut ajouter aux 1783 morts de l’année 2013 !

La France protège-t-elle l’opprimé ?

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Famille manifestant leur soutien aux chrétiens d’Irak, le 12 août 2014 à Toulouse

Pendant la manifestation à Toulouse, une femme tenait une pancarte écrite en arabe et en français, portant ces mots :

« Nous, irakiens, croyons que la France saura convaincre les organisations internationales de protéger les chrétiens d’Irak ».

La formulation est étonnante. Elle semble décalée, mal ajustée… presque trop naïve. C’est peut-être qu’elle est écrite d’une main irakienne, c’est à dire, non écrite par un main française et désabusée.

Il y a beaucoup de français qui désirent que la France sache convaincre, que la France sache protéger, et en particulier « protéger les chrétiens » mais je ne connais aucun français qui croit que la France saura convaincre et protéger. Ce langage de foi est déroutant.

Quand on entend « les femmes ont été éventrées et les enfants décapités », on se rappelle « les mères éventrées et les fœtus arrachés » et autres victimes du FLN que la France n’a pas protégé.

Mais surtout, « les femmes ont été éventrées et les enfants décapités », ça rappelle la révolution française et sa terreur, ses décapitations, ses dépeçage, ses guerres de Vendée, ses massacres de mères et d’enfants et ses noyades de Nantes.

La République Française est née de la même manière que l’organisation autoproclamée État Islamique, avec exactement les mêmes méthodes, le génocide et le crime contre l’humanité.

Autre point commun avec la révolution française, les chrétiens étaient des cibles prioritaires. La France actuelle hérite de cette haine antichrétienne, et s’en revendique souvent. Les chrétiens français survivants sont depuis des citoyens de seconde zone. Le chrétien de France ne portait pas le nūn mais le scapulaire, le rouge lui va toujours aussi bien.

Il faut ne pas être français pour croire que la France saura protéger les chrétiens d’Irak, ou bien il faut parler à la France comme à la fille aînée de l’Église qui gît six pieds sous terre, avec plus de chaîne que d’os.

Un monde en manque de France

Ce n’est pas nouveau en fait, on remarque une grande différence entre la vision qu’on les français de la France, et la vision qu’on d’autres peuples de la France, chrétien ou non d’ailleurs.

La France porte une image de pays chrétien sauf en France, surtout pas en France.

Beaucoup de musulmans s’étonnent en immigrant, s’attendant à trouver le christianisme… Nombreux sont les migrants qui s’étonnent de trouver plus d’islamisme dans leur quartier que dans leur pays d’origine qui a l’islam pour religion d’état… Alors que dire des chrétiens qui viennent de pays orientaux, qui ne retrouvent pas le christianisme qu’ils idéalisaient, et qui sont considérés par leurs voisins comme musulmans puisque catalogués arabes ?

Et puis il y a cette espèce de crainte franco-française d’être associé à quoique ce soit de chrétien, où l’on se justifie de ne pas intervenir soit disant pour protéger les victimes.

Koz nous rappelle comment fonctionne la diplomatie française :

L’an dernier, j’assistais à une conférence de l’Aide à l’Eglise en Détresse, à l’Assemblée Nationale. Un représentant du Quai d’Orsay nous expliquait que la diplomatie française se refusait à intervenir spécialement pour les chrétiens parce que c’était les désigner comme complices de l’Occident. Je suis sûr que l’on peut se convaincre de la justesse de cet argument. Il m’avait moi-même pas mal convaincu.

Il y a quelque chose d’assez vrai dans le sens que le djihadisme confond l’occident païen avec le christianisme, et qu’il confond son combat contre les États-Unis, la France et autres suiveurs atlantiste, avec le combat contre les chrétiens.

Il arrive souvent que des chrétiens paient le prix, comme s’ils étaient un avant-poste de cet « occident ». On l’a vu après l’affaire des « caricatures de Mahomet » au Danemark qui vit de nombreux chrétiens massacrés en représailles (Nigéria, Turquie…), parce que ces chrétiens sont assimilés à tord à l’Europe, et que l’Europe dans ses dérives est jugée comme chrétienne, à tord.

Quand un état qui se revendique laïque (comme la France) vient au secours des chrétiens d’orient, cet état nourrit la confusion, c’est vrai, et donc certains disent qu’en ne faisant rien on limite les dégâts…

Sauf que cet argument ne convainc que la France, et pour cause : La France est la seule à se croire laïque.

L’expérience montre que cette confusion est consommée, c’est pourquoi il est inutile de se protéger de cette confusion, l’erreur est de penser que l’autre distingue ! La France est la seule à croire qu’elle n’est pas chrétienne !

C’est à dire que lorsque la France n’agit pas cela n’empêche personne de tuer un chrétien Irakien pour montrer « sa force contre l’Occident ». Surtout, si la France ne réagit pas, étant entendu que cette confusion est consommée, cela est reçue comme une abdication, une faiblesse de la part de la France, un signal d’impunité, et donc un encouragement à continuer les massacres.

Ce que nos hommes politiques ne veulent pas comprendre, c’est que même les djihadistes attendent de la France qu’elle défende les chrétiens… La France est la seule à ne pas croire en elle.

Et Koz continue une autre fois :

Ne pas trop défendre les chrétiens, c’est pour leur bien. Et puis, en filigrane aussi, les chrétiens, qui sont assimilés à l’Occident là-bas, sont assimilés aux dominants ici par ceux que le marxisme contamine encore. Et enfin très certainement l’idée qu’on ne pourra pas les protéger là-bas et qu’il vaut mieux qu’ils en sortent. Alors on attend que ça se passe. Alors on valide l’apartheid, on valide l’épuration. Alors silence.

La France qui fantasme son athéisme a peur d’être associée au christianisme en soutenant des victimes chrétiennes, elle préfère donc que la victime meure en silence pour protéger son fantasme de laïcisme. Pendant ce temps, le bourreau tue, et il se moque bien des nœuds aux cerveaux que se font nos concitoyens…

J’ai trouvé cette expression « Un monde en manque de France » dans une récente chronique de Radio Espérance, et je l’ai trouvé très juste. Mais là où le chroniqueur parle de la France comme une « puissance mondiale » en commentant la très intéressante initiative « Au nom de l’humanité » qui a pour objet de réclamer une intervention militaire en Irak, je me limiterai à ce simple constat :

La France est la dernière à savoir qui elle est, même les djihadistes la savent plus chrétienne qu’elle veut elle-même le croire.

Les chrétiens d’orient ne demandent pas la guerre, ils demandent la protection, c’est à dire la paix. Alors certes la paix peut nécessiter la guerre, l’ordre peut réclamer la force, mais il est intéressant de noter le vocabulaire employé : foi et protection. Les chrétiens d’Irak attendent la paix, ils laissent la liberté de moyen, mais ils demandent la paix.

La France est bien la dernière à reconnaître la foi qu’elle a, la dernière à vouloir la paix, et elle sait très bien que les morts ne font pas de bruit.


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