Posté par Thomas Debesse le 16/12/2015 à 22:21. Licence CC by (copiez-moi !)
Dimanche dernier nous avons fêté le troisième dimanche de l’avent, et il y a tout juste huit jours, nous avons fêté l’immaculée conception et avons célébré l’ouverture de l’année de la miséricorde. Nous sommes déjà bien avancés dans ce chemin d’avent, donc je vais faire plus que vous souhaiter un bon avent !
L’ami que l’on n’attend pas
Crèche provençale : La sainte famille attendant l’enfant
Mais qu’est-ce que l’avent ? L’avent c’est l’attente de l’ami que l’on n’attend pas, celui qui nous a choisi. L’avent est l’attente de l’ami que nous n’avons pas demandé, auprès de qui on va s’attendrir d’abord mais qu’on va crucifier ensuite, parce qu’il veut notre bien et qu’il exige notre conversion. Pendant l’avent nous attendons cet ami qui est de trop. Nous attendons cet ami qui est prêt à mourir pour nous mais à qui, nous pécheurs et ingrats, nous demanderons de s’en retourner à son royaume.
Le mystère de l’avent, c’est le mystère de Noël qui vient. À Noël, nous serons à genoux devant le petit Jésus, parce qu’il n’y a peut-être qu’un enfant qui, par sa vulnérabilité, par sa fragilité, par sa pauvreté, sache réclamer l’amour. L’enfant, c’est celui qu’il faut aimer alors qu’on ne l’a pas choisi ni recherché. L’enfant, c’est celui que l’on apprend à aimer alors qu’il est celui qui est venu à nous.
L’enfant est celui qui nous apprend la bienveillance. L’enfant est si fragile, petit et vulnérable qu’il nous contraint par grâce à ne lui vouloir que le bien. L’enfant est si fragile, petit et vulnérable qu’il nous invite à la crainte, une saine crainte, la crainte devant sa fragilité, une crainte emplie de révérence, la même crainte qui nous prosterne devant Dieu et qui nous fait pencher notre visage sur le petit enfant si fragile que nous portons dans nos bras.
L’enfant est celui qui grandit toujours
L’enfant témoigne de la bonne nouvelle qu’est la vie. L’enfant est un témoin de l’espérance, l’espérance de quelqu’un qui vient, l’espérance de quelqu’un qui devient. L’enfant est un témoin de la foi, de la foi en quelqu’un qui vient, et qui vient toujours. L’enfant nous rappelle la réalité de notre humanité : nous sommes en devenir. L’enfant nous rappelle que la vie est un perpétuel devenir. L’enfant nous rappelle que l’amour est en perpétuel devenir. L’enfant nous rappelle qu’aimer, c’est aimer toujours, de manière nouvelle, chaque jour. L’enfant nous rappelle que nous nous redécouvrons chaque jour, pour réapprendre à nous aimer chaque jour.
L’enfant nous rappelle cette clé de l’enfance spirituelle : l’enfant est celui qui ne cesse de grandir. Redevenir enfant, ce n’est pas redevenir petit, c’est redevenir capable de grandir toujours.
Dévotion à Marie parturiente
L’enfant est surtout celui qui nous invite à devenir capable de bienveillance, à devenir capable de recevoir sa bienveillance. L’enfant est si fragile, petit et vulnérable, qu’il n’a rien d’autre à nous donner que sa bienveillance. L’enfant nous enseigne que la bienveillance n’est pas seulement consentir au bien, ce n’est pas seulement désirer le bien, c’est travailler au bien. L’enfant est celui qui nous enseigne que la bienveillance est un empressement missionnaire : il vient, il est là, sa venue est certaine. Chaque jour qui passe, cet enfant nous travaille un peu plus. L’enfant vient nous changer au plus profond de notre être, et cela les mamans le savent bien, mais les papas aussi.
Nous avons fêté l’immaculée conception. Je voudrais vous inviter à un mystère de Marie, je voudrais vous inviter à la dévotion à Marie qui porte l’enfant. Je voudrais vous inviter à non seulement contempler la mère, mais à vous associer à sa maternité. Vous aussi laissez-vous transformer par cet enfant. Laissez cet enfant transformer votre corps, votre esprit, votre âme, votre vie. Laissez cet enfant bouleverser votre vie de manière irrémédiable. Je comprends que vous ayez un peu d’appréhension, mais vous ne le regretterez pas ! La maternité est un saut dans la foi. Je vous invite à cette foi ! Approchez-vous de Marie comme si vous étiez une sage-femme, et accompagnez la venue de cet enfant.
Accompagnez Marie comme une sage-femme ! Je vous invite à accompagner Marie enceinte de l’enfant, mais je vous invite à plus que cela. Je vous invite à accompagner Marie qui accouche. Je vous invite à la dévotion à Marie parturiente. Faites-plus que contempler ce mystère de la nativité, laissez ce mystère vous bouleverser comme jamais, laissez ce mystère vous déchirer au plus profond de vous-même.
Je vous invite enfin à vivre cet accouchement en vous-même. Laissez l’enfant vous bouleverser. Ne laissez pas seulement l’enfant passer dans votre vie. Laissez l’enfant vous traverser.
Alors, lorsque cet enfant frappera à la porte de votre monde, vous croirez votre heure venue, vous croirez mourir, certainement. Il vous faudra lâcher prise et accepter cette mort qui vient. Mais à la place de la mort, dans les cris et les déchirements, vous trouverez votre soulagement. Soudain vous saisirez l’enfant, vous le tiendrez dans vos mains avant même de le voir, puis vous le porterez à vos yeux, puis à votre cœur, et là, les yeux levés vers le ciel, vers le père, se dessinera sur votre visage le plus grand sourire qu’il vous est donné de vivre. Vous porterez le sourire de la joie, le sourire de la résurrection, le sourire de la paix, le sourire de la vie, et le sourire de cet amour qui vient déjà chercher votre sein.
Missionnaire de bienveillance
L’enfant est le premier missionnaire de la bienveillance, il est celui qui est bienveillant en premier, gratuitement, et celui qui nous y invite avec le plus de force.
L’enfant est cette personne qui vient bouleverser nos plans, l’enfant est celui qui vient nous aimer alors qu’on ne le lui a pas demandé. L’enfant est celui qui nous a aimé le premier. L’enfant ne nous aime pas en retour de notre amour, l’enfant n’a pas besoin d’être aimé pour aimer. L’enfant a besoin d’amour, mais il aime d’abord. L’enfant a besoin d’amour, mais il n’a pas besoin d’amour pour pouvoir nous aimer. L’enfant nous précède toujours en amour.
Cet enfant, il nous attendrit et séduit notre cœur, mais nous savons déjà que lorsqu’il grandira, lorsqu’il ne sera plus à même de nous séduire pas ses sourires enfantins, lorsque nous ne pourrons plus nous embaumer le cœur en se penchant sur son berceau, lorsque nous ne pourrons plus chercher notre joie ni nos satisfactions ni nos consolations en riant et jouant avec lui, nous lui demanderons de prendre congé. Son amour nous troublera, nous n’aurons plus le temps pour lui, et notre cœur ne sera plus disponible à sa bienveillance.
Nous aurons bien d’autres intérêts, bien légitimes. Nous aurons d’autres personnes à aimer, ceux que nous avons choisi, ceux que nous voulons aimer, et cet enfant-là, celui qui nous a aimé le premier, celui qui nous aime même lorsque nous ne voulons pas de son amour, cet enfant-là devra rentrer chez lui. Ce missionnaire de bienveillance devra rentrer chez lui. Oh, nous voulons l’amour, nous désirons l’amour, mais nous ne voulons pas l’amour à son école.
Cet enfant nous révélera que nous n’acceptons pas d’être aimé par quelqu’un qui nous a aimé le premier, qui nous a précédé en amour, comme Dieu.
Oh, nous ne regretterons pas les agréables moments de cette enfance, mais en grandissant nous ne permettrons pas qu’il veuille notre bien. Au début nous cherchons notre bien en lui, parce que nous trouvons en lui notre satisfaction, mais ensuite nous n’accepterons plus sa bienveillance. Son amour sera de trop. Nous voulons aimer, mais nous ne voudrons plus de son école d’amour, nous ne voudrons plus qu’il nous enseigne comment aimer.
Aussi, quand nous serons grands, quand cet enfant sera grand, nous douterons de la gratuité de son amour, et nous ne voudrons plus reconnaître sa bienveillance. Nous venons à lui chercher ses sourires, nous venons à lui parce que sa compagnie nous enchante, mais son amour gratuit, à vrai dire, nous troublera, nous douterons même de sa gratuité et nous ne voudrons plus de sa bienveillance. Nous l’accuserons bientôt, son amour semble trop grand pour être honnête. Nous demandons parfois des signes à Dieu, mais lorsque Dieu nous donnera ses dons, nous douterons qu’il achète notre amitié.
Bientôt, nous ne saurons plus reconnaître ces enfants qui viennent à nous, le cœur gravé de cette bienveillance : ma vie c’est le Christ et toi.
Ma vie c’est le Christ et toi
Crèche provençale : Allons retrouver l’enfant
Dieu place sur notre chemin ces petits missionnaires de miséricorde, ces petits missionnaires de bienveillance, ces petits missionnaires de gratuité. Il y a cet enfant dans la crèche, le fils de Dieu lui-même. Il y a aussi cet enfant de six ans qui, sur les marches d’une église, réconcilie le père et la mère, l’époux et l’épouse. Je vous raconte une histoire.
C’était un petit enfant, il avait fait entrer son papa dans l’église un soir de veillée d’adoration. Comme tous ceux qui étaient là, ils reçurent la bénédiction du saint sacrement, c’était une bénédiction personnelle. Ce petit enfant ne connaissait rien à la foi, mais il fut profondément touché. L’équipe missionnaire qui animait cette veillée portait des t-shirts avec les thèmes de leur mission et il a réclamé celui où il était écrit « ma vie c’est le Christ et toi ». Bien qu’il ait pris le plus petit, ce vêtement lui arrivait aux genoux.
Deux jours plus tard, cet enfant revient avec son papa et une femme. Et le papa raconte que son enfant, ce petit garçon de six ans, n’a pas voulu quitter son t-shirt. Pas même lui, son père, n’a pu le lui enlever. Depuis deux jours il va à l’école avec ce t-shirt qui lui arrive aux genoux, avec ces mots dessus : « ma vie c’est le Christ et toi ». Et l’homme présente la femme à côté de lui et explique qu’elle est son épouse et qu’ils étaient séparés. Ils n’étaient pas croyant, mais leur enfant avait tenu absolument à ce qu’ils reviennent dans l’Église. L’enfant est celui qui donne à espérer.
Être disponible à la mission
Si cet enfant vient à vous, voyez que son accoutrement est un peu bizarre, et nul ne peut le raisonner, pas même son père. Il est le plus petit, mais il est le plus ardent missionnaire. Il est là, d’abord, par bienveillance. Cet enfant annonce la bonne nouvelle. Il travaille à la venue du règne du Christ. Cet enfant ne dit pas seulement « que ton règne vienne », il fait advenir le règne. Cet enfant est participant de la venue du royaume. L’enfant est artisan de paix. Alors que nous voyons cet enfant porter l’annonce de la miséricorde au monde, alors que nous voyons cet enfant témoigner de sa bienveillance, nous nous émerveillons de son empressement missionnaire. Nous le prenons-même en exemple, nous le donnons en exemple.
Pourtant, au fond de notre cœur, nous ne voyons pas que s’il venait en ce monde pour nous même, nous ne saurions peut-être pas le recevoir. Cet empressement missionnaire auprès de nous, peut-être que nous le jugerions indécent. Nous nous émerveillons de sa bienveillance et de son empressement missionnaire, mais si cette bienveillance était pour nous, saurions nous l’accepter ? Lui demanderions-nous de s’en retourner à ses jeux d’enfants, ou saurions nous être touché par sa bienveillance bien maladroite ?
Si cet enfant missionnaire venait auprès de nous sous les traits d’un adulte, nous le crucifierions.
L’enfant est malhabile, maladroit, fragile, souvent on ne le comprend pas. Mais cet enfant, il ne nous aime pas par intérêt, il ne nous aime que par bienveillance. Cet enfant, il nous aime d’abord et avant tout comme un missionnaire, et ce n’est pas autrement qu’il vient à nous.
Il y a, parmi ces missionnaires de bienveillance et de miséricorde, vos propres enfants. Ceux-là, ils viennent bouleverser vos vies, pas toujours au bon moment, mais ce sont ceux qui sauront peut-être le mieux exiger votre propre conversion. Ces enfants-là ont la chance, certes très fragile, d’avoir le droit et la légitimité d’exiger votre propre conversion. Vous ne pouvez pas et vous ne voulez pas refuser à ces enfants l’exigence de conversion qu’ils ont pour vous. Ces enfants-là, vous ne pouvez pas les renvoyer à leur foyer, car vous êtes leur foyer. Vous ne pouvez pas les renvoyer à leur royaume, car vous êtes leur royaume. Vos enfants viennent auprès de vous comme des missionnaires, des missionnaires de miséricorde et de bienveillance. Vous vous inquiétez déjà pour eux, vous vous affairez, vous préparez leur venue, mais ils vous ont aimé avant vous, et ce sera à vous d’apprendre à recevoir leur amour, d’apprendre à écouter leur amour, et d’apprendre à être attentif et disponible à leur bienveillance.
Et puis il y a les tous les enfants que Dieu a placé sur votre route, sur notre route, et qui nous précèdent parfois. Tous ces petits missionnaires de miséricorde, ces petits missionnaires de bienveillances, ils prennent des apparences très diverses, parfois un peu intrigantes, parfois insignifiantes, parfois troublantes, parfois gênantes… Parfois on ne voit pas ces missionnaires, parfois on ne veut pas d’eux. Mais ces petits missionnaires sont là, pleins de bienveillance et emplis d’un même empressement. Il n’y pas de plus grande bienveillance que l’annonce de l’évangile, et dans nos vie, cette annonce prend souvent des formes très étonnantes et inattendues. Il y a autour de vous des missionnaires qui n’ont pour vous que leur bienveillance. Il y a ces missionnaires qui viennent auprès de vous pour faire advenir dans vos cœurs le règne du Christ.
Accueillir le missionnaire
Crèche provençale : Pèlerins en route vers la crèche
En cette ouverture de l’année de la miséricorde, le pape veut envoyer des missionnaires de miséricorde aller porter la bonne nouvelle au monde. Mais vous n’êtes pas seulement missionnaires, le Christ envoie des missionnaires frapper à votre propre porte. Ces missionnaires sont envoyés pour vous. En cette année de miséricorde, ne prions pas seulement pour annoncer l’évangile, mais pour savoir le recevoir, et savoir accueillir ceux qui l’annoncent, et qui l’annoncent parfois bien imparfaitement.
Soyons missionnaires, et soyons disponibles à la mission qui vient à nous ! Allons au devant des nations, mais sachons aussi recevoir les nations, allons voir notre prochain et sachons recevoir notre prochain, non seulement parce que nous sommes missionnaires auprès de lui, mais aussi parce qu’il est missionnaire auprès de nous !
L’Église, ce sont d’abord nos amis. Ces amis sont les missionnaires que le Christ a placé auprès de nous, ils sont l’Église. Nous l’oublions trop souvent, peut-être même ne l’avons-nous jamais réalisé. Nous sommes dans une espèce de couveuse formée par l’Église et nos amis, ce cocon qui nous tiens bien au chaud. Un jour, il faut en sortir pour être missionnaire à son tour.
Mais d’abord, il faut reconnaître cette couveuse. Il y a des moments de la vie où l’on est comblé par son époux, par sa famille et ses enfants, et l’on ne voit pas tous ces petits missionnaires qui font ce que nous sommes, qui accourent vers nous avec bienveillance. Parfois même, ces amis et leur empressement nous indispose… Il nous semble ne plus avoir besoin d’eux ! Nous comprenons que ces amis viennent à nous lorsque nous sommes adolescents, mais quand notre vie s’installe, nous attendons de ces amis qu’ils s’en retournent à leur royaume. Quand ces missionnaires viennent à nous pour nous donner le Christ, quand ils viennent nous apporter la guérison, nous craignons qu’ils cherchent leur propre profit. Leur empressement nous met mal à l’aise, parce que nous avons de la peine à reconnaître leur empressement missionnaire. Au cœur de ce mystère, il y a la confiance.
Dieu place sur notre chemin des missionnaires, des prophètes de miséricorde, mais lorsque ces missionnaires viennent à nous, nous refusons parfois leurs dons, et nous doutons souvent qu’ils achètent notre amitié. Ce petit enfant dans la crèche, nous l’acceptons bien volontiers. Ce petit enfant de six ans sur le parvis de l’église, nous l’acceptons bien volontiers. Mais cet enfant, quand il aura trente-trois ans, nous le crucifierons.
Nous serons difficilement missionnaires tant que nous ne serons pas disponibles, nous-même, à la mission, et tant que nous ne serons pas capables de recevoir, gratuitement, le don de notre prochain.
Celui qui donne, qu’il soit généreux
Je rappellerai les mots de l’apôtre Paul dans son épître aux Romains, au chapitre 12 :
Voyez, que celui qui est fait pour donner, qu’il soit généreux. S’il est des missionnaires qui sont missionnaires par leur générosité, nous devons apprendre à recevoir cette générosité, ou bien nous ne serons pas capable de recevoir ces missionnaires dans notre vie. Nous accourons à la crèche nous pencher sur un berceau, les bras pleins de cadeaux, en réalité nous venons pour apprendre à recevoir ! Cet enfant-là, dans le berceau de la crèche, il n’est venu que pour une seule chose : donner et pardonner. Il est celui qui donne. Tout. Il est celui qui pardonne. Tout.
Apprendre à recevoir
Pour Noël, Isabelle Cousturié propose sur Aleteia dix cadeaux à offrir et auxquels nous ne pensons pas toujours. Je vous invite à lire l’article dans son ensemble, mais voici la liste de ces dix cadeaux formidables :
- Offrir un peu de temps
- Accorder son pardon
- S’ouvrir pour apprendre de l’autre
- Écouter en silence
- Offrir un regard attentif, attentionné
- Faire une bonne blague. L’humour adoucit la vie
- Donner aux autres l’envie de donner
- Effectuer une tâche à la place de quelqu’un
- Penser à celui qui viendra après nous
- Offrir une amitié désintéressée. Avoir le courage de faire connaissance
Isabelle Cousturié nous invite à faire ces cadeaux. Moi je vous invite à devenir capable de les recevoir.
Peut-être cela vous étonnera-t-il, mais en fait, nous sommes rarement capables de les recevoir, car nous avons encore à apprendre à recevoir en vérité. Recevoir en vérité est aussi difficile que donner en vérité, et recevoir gratuitement est aussi difficile que donner gratuitement.
- Lorsqu’un ami nous donne de son temps, le laissons-nous venir nous voir sans présupposer qu’il ait besoin de nous ? Ou bien parfois attendons-nous de lui qu’il se contente de rester cet ami avec qui on s’amuse bien ? Lui donnons-nous la permission d’être celui qui rappelle l’exigence de l’évangile ? Avons-nous des difficultés à voir et recevoir notre ami comme un missionnaire ? Permettons-nous à notre prochain de se préoccuper de notre sainteté ?
- Lorsque nous nous fâchons avec nos amis, ne préférons-nous pas passer vite à autre chose et ce faisant, ne nous empêchons-nous pas de faire l’examen de conscience dont nous avons besoin ? Est-ce qu’il arrive que préférant seulement ne pas tenir rigueur de nos fautes, parfois nous nous empêchons mutuellement le pardon ? Il est beau de savoir dépasser nos différends, mais savons-nous pardonner et être pardonné ? La sainteté a besoin du pardon, nous avons besoin du pardon, le désirons-nous, le rendons-nous possible ? Lorsque nous sommes tentés de nous réconcilier sans nous pardonner, sommes-nous prêts à accueillir notre ami comme si nous étions missionnaires de miséricorde, et comme si cet ami était missionnaire de miséricorde ?
- Lorsqu’un ami vient pour nous découvrir, cela nous arrive-t-il de trouver cela déplacé ? La bienveillance nous semble-t-elle suspecte parfois ? Nous arrive-t-il de préférer la camaraderie à l’amitié ? Nous arrive-t-il d’agir comme si la volonté était contraire à l’amitié ? Ne réduisons-nous pas nos amis à être uniquement ceux avec qui nous sommes bien, ceux auprès de qui nous trouvons notre bien, sommes-nous prêts à accepter que cet ami veuille notre bien ? La volonté nous est-elle suspecte en amitié ? Oublions-nous parfois que si la bienveillance est une volonté, l’amitié ne peut se passer de bienveillance ? Laissons-nous assez de place à la bienveillance ? Nous permettons-nous assez d’être bienveillant ? Nous rendons-nous assez disponible à la bienveillance de notre prochain ?
- Le silence nous fait-il peur ? Être en silence, ou être écouté par quelqu’un en silence, cela nous déstabilise-t-il ? N’avons-nous pas une plus grande peur encore, celle de voir notre propre silence être entendu ? Avons-nous des difficultés à laisser les autres nous écouter en silence ? Le silence que nous demandons parfois de l’autre n’est-il pas là d’abord pour nous écouter nous-même plutôt que pour se laisser écouter ? Chose plus rare encore, laissons-nous l’autre écouter notre silence ? Notre propre silence ne nous fait-il pas peur à nous aussi parfois ? Ne gagnerions-nous pas énormément à devenir plus disponible à ce silence ? à l’écouter ? à le faire entendre ?
- Craignons-nous les regards attentifs et attentionnés de nos amis ? Ne sommes-nous pas un peu trop hâtifs à les juger intéressés ? Ne présupposons-nous pas trop rapidement que s’il nous regarde, c’est qu’il cherche quelque chose de nous ou attend quelque chose de nous ? Permettons-nous l’attention désintéressée ? Y a-t-il une place disponible pour ce simple regard gratuit de bienveillance ? Sommes-nous assez disponibles à la gratuité de notre prochain ? Sommes-nous assez disponibles à la contemplation ? Nous nous exhortons à contempler la création, mais sommes-nous disponibles à être contemplé ?
- Ne faut-il pas grand-chose pour que certains cadeaux nous soient suspects ? Nous acceptons volontiers que quelqu’un fasse quelque chose à notre place, nous le réclamons souvent, mais quand cela se produit, ne nous questionnons-nous pas plutôt de ce que notre prochain recherche ? Doutons-nous de ses intentions ? Ne nous arrive-t-il pas parfois de refuser cette aide inespérée, de peur d’avoir une dette envers notre prochain ? Ce manque de gratuité que nous avons nous fait-il refuser la gratuité de nos amis ? Et si nous donnions à nos amis l’occasion de cette gratuité ? Et si nous la permettions ? Saurions-nous l’accueillir ?
- Savons nous accueillir ceux qui essaient de faire connaissance avec nous ? Cette volonté, cette bienveillance nous indispose-t-elle ? Quand quelqu’un fait l’effort de venir à nous, nous arrive-t-il de nous demander ce qu’il cherche et ce qu’il désire en nous, plutôt qu’accueillir simplement sa bienveillance ? Sans vraiment y penser, est-ce que parfois ne l’accusons-nous pas intérieurement de chercher son propre intérêt ? Sommes-nous disponibles à ses efforts et à sa charité ? Savons-nous reconnaître ses efforts ?
Notre difficulté à donner ne tient-elle pas de notre difficulté à recevoir ? Nous savons prendre, nous savons rendre, nous savons échanger, nous savons partager, mais savons-nous donner et recevoir ?
Placé devant l’enfant de la crèche, il peut-être douloureux de découvrir que nous ne savons ni aimer ni accueillir l’enfant. Mais devant nos fautes, il ne faudrait pas sombrer dans la culpabilité et le déni. La nativité est un mystère d’espérance, la crèche est sur le chemin de la rédemption. Devant l’enfant de la crèche, nous venons pour reconnaître tout simplement que nous sommes des handicapés de l’Amour et des crucifieurs, mais pour une plus grande espérance et pour une plus grande joie !
Lorsque la liturgie nous replace devant la crèche, l’Église nous rappelle que cet ami que nous avons crucifié, nous étions venus à lui, accourant plein d’enchantement et de joie. Le chemin de la crèche n’est pas un chemin de souffrance, c’est un chemin d’humilité, c’est le chemin de la conversion. Nous retournons à la crèche chaque année pour retrouver ce chemin d’enfantement, d’enchantement et de joie que nous perdons si facilement.
L’enfant nouveau-né, l’enfant crucifié ne condamne pas, il n’est pas malheureux. Il attend avec une profonde et joyeuse espérance. Venez à la crèche recevoir cette profonde et joyeuse espérance !
Recevoir gratuitement
Crèche provençale : les moments de convivialité sont aussi des lieux de mission
Je me souviens d’une psychologue qui avait été reçue dans une émission de radio pour parler du don à l’occasion de Noël il y a quelques années. Cette psychologue affirmait avec aplomb que le don n’était jamais gratuit, appuyant son affirmation sur son expérience de psychologue et l’ensemble des patients qui venaient la consulter. En réalité, le fait qu’aucun de ses patients ne savaient donner gratuitement ne signifiait pas que le don gratuit n’existait pas, cela signifiait qu’aucun de ceux qui la consultaient ne savaient donner gratuitement, et que ceux qui donnent gratuitement ne sont jamais venu la consulter.
Le don gratuit est très rare, mais il n’est pas seulement rare parce qu’il est difficile de donner gratuitement. Le don gratuit est très rare parce que le don n’est pleinement gratuit que si celui qui donne donne gratuitement, et si celui qui reçoit reçoit gratuitement. Le don gratuit exige la gratuité de celui qui donne et la gratuité de celui qui reçoit.
Alors, pour Noël cette année je vous encourage à donner gratuitement, mais plus que cela, je vous encourage à une autre gratuité que l’on encourage plus rarement : je vous encourage à recevoir gratuitement.
Je vous encourage à devenir capable de recevoir gratuitement le missionnaire qui vient à vous en disant : « Ma vie c’est le Christ et toi », pour devenir capable de recevoir gratuitement le Christ.
L’enfant est celui qui nous précède en tout, l’enfant est celui qui nous a aimé le premier. L’enfant est aussi celui qui nous apprend à recevoir. L’enfant à naître comme le nouveau-né est celui qui reçoit sans calcul ce que sa mère lui donne.
L’enfant à la crèche reçoit l’or des mages, l’encens et la myrrhe sans calcul. Il ne s’inquiète pas de ce qu’il devra donner en échange, il ne donnera rien en échange. Si l’enfant donnera sa vie, ce n’est pas en raison d’un marché, cela ne sera pas un remboursement. Les mages apportent l’or du roi, l’encens du prêtre et la myrrhe du prophète crucifié, car l’on tue toujours les prophètes, mais ces mages ne demandent pas à l’enfant d’être roi, prêtre et prophète en échange de leur or, de leur encens et de leur myrrhe. Par leurs dons ces mages reconnaissent l’enfant comme prêtre, prophète et roi, mais il l’est déjà.
L’enfant est celui qui ne s’enorgueillit pas de toutes cette foule qui vient l’honorer, l’amour du nouveau-né ne s’achète pas, on ne peut pas flatter un nouveau-né. Tout ce qu’il reçoit, le nouveau-né le reçoit gratuitement. Tout ce que reçoit l’enfant, il le reçoit gratuitement, et cela ne forme chez lui aucune dette. L’enfant est celui qui n’a pas de dette. N’ayez pas peur de recevoir, car vous êtes infiniment dignes du don. Il n’y a rien à rendre en échange du don, car le don n’est pas une injustice.
Apprenez à reconnaître l’enfant dans votre prochain. Apprenez à reconnaître le nouveau-né de la crèche, et apprenez aussi à reconnaître cet enfant de six ans qui vient à vous pour réconcilier votre famille et vous réconcilier avec l’Église. Apprenez à accueillir cette charité toute particulière et dérangeante, la charité du missionnaire qui porte gravé au fond de son cœur « ma vie c’est le Christ et toi ».
Approchez-vous de la crèche, approchez-vous de la mère et de l’enfant comme une sage-femme. Accompagnez Marie dans le mystère de sa maternité. Laissez-vous traverser par le Christ. Ceux qui accourent à la crèche, regardez-les comme des missionnaires, ils viennent aussi pour vous. Redevenez enfant pour redevenir capable d’apprendre toujours, pour devenir capable de vous émerveiller toujours, pour redevenir capable de recevoir. Apprenez à recevoir le Christ, et ses apôtres. Le don n’est pas une injustice. Il vous est réservé des cadeaux que vous n’imaginez pas, apprenez simplement à les recevoir.
Toi qui me lis, je prie pour toi en cet avent. Ma vie c’est le Christ et toi.